15 h, ce mercredi 31 janvier. Sur les grilles qui jouxtent la maison des jeunes et de la culture (MJC) Saint-Exupéry, sur les hauteurs du quartier des Champs-Montants, à Audincourt, les habitants accrochent des affiches sur lesquelles ils écrivent tout le bien qu’ils pensent de la structure. « Vive la MJC », peut-on lire ici. « Ça m’apporte du bon temps », peut-on lire là. Plus loin, cet habitant souligne le rôle de la structure dans le « vivre ensemble ». Toujours, les témoignages parlent de joie. Comme cette douce atmosphère qui se dégage de la manifestation organisée devant la MJC, ce mercredi après-midi. On peut déguster des pâtisseries ou des crêpes façonnées par les habitants du quartier avec un bon café. « Autour d’un café, il se passe toujours plein de choses », sourit Aurélie Dzierzynski, présidente de la MJC de la Petite-Hollande, à Montbéliard, et vice-présidente de la fédération régionale des MJC de Bourgogne-Franche-Comté.
Ce mercredi, les activités de la MJC Saint-Exupéry sont suspendues, dans le cadre du mouvement national des centres sociaux, qui alertent sur leur fragilité. Le pays de Montbéliard compte dix structures agréées “centre social” ; une onzième le sera prochainement, à Hérimoncourt. Ce réseau touche plus de 16 000 habitants dans l’agglomération. Les structures proposent des activités à la jeunesse et aux familles, de l’accompagnement à la scolarité ou encore des ateliers sociaux-linguistiques. « La vocation des centres sociaux, c’est d’être un moteur pour le quartier, de mettre en lien les habitants avec les institutions », explique Aurélie Vrignaud-Kakudji, directrice de la MJC Saint-Exupéry d’Audincourt. « Nous sommes la porte la plus facile à pousser. » Ce mercredi après-midi, l’ensemble du réseau du pays de Montbéliard s’est mobilisé. Et toutes les structures se sont retrouvées à Audincourt, en fin d’après-midi, pour porter une voix commune.
Équation impossible
« Il y a de moins en moins de financements et, chaque année, le déficit se creuse », alerte Nourdine Sakek, vice-président de la MJC Petite-Hollande, à Montbéliard. « Nous sommes obligés de ramer de plus en plus pour répondre à des appels à projets, ajoute-t-il. Et les animateurs, qui devraient s’occuper des jeunes et des familles, passent plus de temps à devoir les monter. »
Les structures agréées “centre social” font vivre depuis plus de cent ans « la cohésion » et « le lien social » rappelle la fédération des centres sociaux et socioculturels de France dans un courrier adressé à Aurore Bergé, en novembre 2023, alors ministre des Solidarités et des familles.
Les budgets étriqués des collectivités les étranglent par ricochet, elles qui vivent de subventions. Au mieux, la subvention est maintenue; au pire, elle est réduite. Or, les salaires des centres sociaux ont été revalorisés. « C’est bien », certifie Aurélie Vrignaud-Kakudji. Mais cela crée un effet ciseau sur le budget de la structure dont les ressources diminuent. « Il faut un suivi des financeurs », alerte-t-elle. Le budget de sa structure oscille entre 500 et 600 000 euros par an. Le financement du budget de fonctionnement est de plus en plus difficile, alors même que cette dizaine de structures emploie plus de 300 personnes dans le territoire, pour animer ou coordonner.
« Les problèmes ne sont pas nouveaux », convient Aurélie Dzierzynski. « Les baisses ont été graduelles. » Petit pas par petit pas. Mais aujourd’hui, la situation n’est plus tenable, notamment avec la hausse du coût de la vie. L’équation devient insoluble. « Nous avons besoin d’absorber ces augmentations », assure-t-elle. À l’échelle nationale, le mouvement demande un fonds exceptionnel de 65 millions d’euros pour « passer le cap » et maintenir une activité à la hauteur, « alors que le lien social, les solidarités, l’attention aux vulnérables doivent être préservés », écrit MJC de France, dans un communiqué de presse.
Les responsables des structures interpellent les financeurs pour qu’ils comprennent l’urgence de la situation ; des financeurs qui sont aussi multiples (État, caisse d’allocation familiale, communes, intercommunalités), ce qui ne facilite pas la lisibilité, ni la vision à long terme. « On se renvoie la balle », déplorent les centres sociaux. Ils les alertent sur l’urgence de les soutenir financièrement pour poursuivre ces activités de lien social.
La détresse des centres sociaux est forte; les enjeux, colossaux. Mais la mobilisation se voulait festive. Les habitants se sont retrouvés pour témoigner de leur soutien. Et ils se sont regroupés sur le parvis de la MJC, en formant un cœur. « Au cœur du quartier, un cœur qui bat », philosophe Aurélie Vrignaud-Kakudji. C’est un cœur à préserver.