L’université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM) et l’usine Alstom de Belfort créent une chaire industrielle. La volonté est « de resserrer, densifier et amplifier notre coopération historique », justifie Ghislain Montavon, directeur de l’UTBM. Des salariés d’Alstom assurent déjà, aujourd’hui, 200 heures de cours dans l’établissement d’enseignement supérieur, chaque année. Treize apprentis sont accueillis par l’entreprise et Alstom a déjà proposé 50 sujets à l’Innovation Crunch Time (lire nos articles), en quatre éditions. Un simulateur de conduite, nommé Astre, a aussi été lancé il y a une dizaine d’années, en collaboration entre les deux. Aujourd’hui, les deux entités vont plus loin. « La chaire industrielle est le niveau le plus abouti d’une collaboration entre un établissement d’enseignement supérieur et un industriel », replace le directeur. Le dispositif embarque toutes les collaborations actuelles et les intensifient. Mais ce n’est pas seulement de la recherche.
La chaire est tournée autour des questions de décarbonation. « C’est la ligne de force », souligne Yves Teston, qui va la superviser. Les recherches vont notamment portées autour des questions d’éco-design, qui consiste à prendre en compte le bilan carbone tout au long de la vie de l’objet, de sa conception à sa destruction, en passant par sa fabrication et sa maintenance. Elle intègre aussi le bilan des pièces achetées à des prestataires. Une thèse va être portée, dans le cadre de cette chaire, autour de cet enjeu, adapté à la locomotive.
170 recrutements chez Alstom
En 18 mois, l’usine Alstom de Belfort a recruté 170 personnes indique David Journet, le directeur du site. 100 sont des recrutements en plus et 70 des renouvellements. Aujourd’hui, l’usine compte 600 salariés sur le site. L’usine est dynamisée par le TGV du futur, « qui monte en cadence ». Le site de Belfort construit les motrices du TGV. Le directeur indique aussi que le projet de locomotive hydrogène démarre (lire notre article), notamment dans le cadre du projet avec Nestlé (lire notre article). Belfort est centre d’excellence mondial des locomotives. En parallèle, l’activité Services continue de monter en charge, autour des locomotives, des TGV et des tramways. « Recruter c’est bien, sourit David Journet, garder, c’est mieux. » L’entreprise a travaillé sur un parcours d’intégration afin de fidéliser ses salariés. Elle a créé aussi une école de soudure, pour transmettre les savoir-faire.
Cette chaire doit permettre aussi de penser l’intégration des locomotives « dans le système ferroviaire de demain, via l’autonomisation et l’automatisation avancées des machines », ajoute Alstom. Belfort est le centre d’excellence mondiale du groupe sur la locomotive. On cherche des équipements plus intelligents, plus sûrs et plus efficaces. Les recherches porteront sur l’énergie électrique des locomotives, autour de l’hydrogène ou des batteries, afin de trouver les meilleurs solutions.
Apporter de l’énergie
« La valeur ajoutée de l’UTBM est capitale », assure Yves Teston. L’ingénieur en est certain : les bonnes décisions de demain se prennent aujourd’hui. « Un savoir-faire industriel, cela se construit sur la durée », souligne-t-il. D’ajouter : « Mais il faut alimenter le savoir-faire et lui donner des ailes. » C’est toute la mission des étudiants et de l’UTBM, qui viennent stimuler Alstom. Ils vont apporter de l’énergie.
Si la chaire doit permettre de travailler l’innovation, elle va aussi s’intéresser à la production. Cela doit permettre « d’optimiser les moyens de production », indique Jean-Marc Talbot, directeur de l’ingénierie des process de fabrication. De réduire leur empreinte carbone, de les rendre plus efficace. On va notamment avoir recours à des jumeaux numériques. Un travail sur la numérisation des moyens de production est aussi au programme, notamment pour les soudeurs, un métier stratégique de l’industriel. L’idée a été portée lors du dernier Innovation crunch time.
La chaire doit enfin redynamiser ce partenariat. Notamment pour valoriser l’entreprise et montrer ses débouchés, facilitant ainsi des recrutements de jeunes ingénieurs en sortie d’école. « Il y a une pénurie, structurelle, d’ingénieurs en France, de l’ordre de 20 % », indique Ghislain Montavon. Cela touche tous les secteurs et tous les métiers de l’ingénieur. L’industrie ne fait pas exception. Tout en sachant qu’elle doit dépoussiérer son image. Si on « joue sur la fierté du produit », convient David Journet, le directeur de l’usine Alstom de Belfort, il est aussi conscient qu’il faut se battre pour attirer les jeunes. Et intensifier les relations avec l’UTBM est un des moyens pour anticiper les besoins de demain. Tout en construisant les locomotives de demain.