Un avion qui décolle et atterrit en 100 mètres. Sans bruit. Ni émission de CO2. Avions Mauboussin, installé à Belfort, révolutionne la mobilité aérienne. Le premier avion commercialisé de cet avion d’un nouveau genre, baptisé Alerion, est attendu fin 2024. Et l’adaptation du projet à l’hydrogène est déjà dans les cartons de l’avionneur.
Un avion qui décolle et atterrit en 100 mètres. Sans bruit. Ni émission de CO2. Avions Mauboussin, installé à Belfort, révolutionne la mobilité aérienne. Le premier avion commercialisé de cet aéronef d’un nouveau genre, baptisé Alerion, est attendu fin 2024. Et l’adaptation du projet à l’hydrogène est déjà dans les cartons de l’avionneur.
Un avion innovant, responsable et performant. Telle est la promesse du Doubiste David Gallezot, le concepteur de l’Alerion M1H, façonné par Avions Mauboussin. L’ingénieur sorti de Polytechnique et SUPAERO, qui a travaillé pour le projet Skylander dans les années 2000, a lancé en 2010 le bureau d’études et de navigabilité Aircraft Manship. Il est notamment spécialisé dans la réglementation aéronautique. Ses clients s’appellent par exemple Airbus, avec qui il a travaillé sur le projet e-fan. En parallèle de cette activité, il a créé Avions Mauboussin en 2011 pour porter le projet de l’Alerion ; Mauboussin est un nom prestigieux dans l’histoire de l’aviation. Une société avait été créée en 1928. En 1958, l’héritage Mauboussin est racheté par Potez. Le nom, tombé depuis dans le domaine public, a été redéposé lors de la création de l’entreprise par David Gallezot. Mais rien à voir avec le joaillier.
L’Alerion M1H, qui emporte deux personnes, peut voler à 250 km/h. Il a une autonomie de 3 heures et dispose d’une distance franchissable de 600 km. « La structure est réalisée en matériaux composites naturels (bois, fibres et résines biosourcées) pour conjuguer résistance et légèreté », détaille Avions Mauboussin. L’Alerion est doté d’un moteur hybride, électrique et thermique, ce dernier fonctionnant à l’essence sans plomb. Pour décoller et atterrir, il utilise son moteur électrique. Le résultat : pas de bruits, pas de nuisances et pas d’émissions de CO2. Et en vol, l’avion fonctionne grâce au moteur thermique.
« Raccourcir le voyage »
La rupture technologique de ce projet réside surtout dans la capacité de l’Alerion à décoller et à atterrir sur une distance de 100 mètres ! Cette possibilité permet « d’accéder à plus de terrains et de zones de destination », relève David Gallezot. Un aérodrome, même réduit, devient une destination potentielle. Une base ULM également. Voire le parking d’une usine. « Le but est de raccourcir le voyage de bout en bout », note David Gallezot. Des travaux sont actuellement menés autour du développement de nouvelles zones d’atterrissage, des air-parks, qui nécessitent des terrains de 300 mètres par 50.
Ces réflexions sur les terrains, mais aussi les caractéristiques propres de cet avion silencieux et sans émission au départ et à l’arrivée, permettent surtout d’envisager des zones de décollages beaucoup plus proches des centres-villes. On réduit donc le temps pour rejoindre l’aérodrome ou l’aéroport, que ce soit à cause de la distance ou des problèmes de circulation dans les grandes agglomérations. David Gallezot espère aussi pouvoir utiliser les héliports, évoquant celui d’Issy-les-Molineaux, placé juste à côté du périphérique parisien, et donc à deux pas de la Capitale. Aujourd’hui, l’obstacle est réglementaire sur cet aspect. « Il y a une muraille de Chine entre les hélicoptères et les avions », sourit David Gallezot. Mais il a bon espoir que cela évolue dans les années à venir.
Prêt pour l'hydrogène
« Nous avons regardé qu’elle était la meilleure technologie de l’hydrogène sur nos petits avions », remarque David Gallezot. La technologie de la turbine, qui consiste à brûler de l’hydrogène liquide. Ou la technologie de la pile à combustible qui consiste à transformer l’hydrogène stockée sous forme de gaz en électricité ; c’est le système utilisé actuellement dans les véhicules poids lourds ou le système envisagé pour les immeubles de Territoire habitat. Le choix privilégié aujourd’hui par Avions Mauboussin est celui de la turbine, car le système « est trois fois plus léger qu’une pile à combustible ». Le projet d’Airbus vers l’hydrogène se tourne aussi vers la technologie de la turbine. La version hydrogène est envisagée pour 2027 indique Traces écrites news.
La clé de son avion, « c’est qu’il vole très vite et se pose très lentement, indique David Gallezot. C’est important de combiner les deux pour conquérir de nouveaux marchés. On arrive à garder un avion en l’air à très faible vitesse. » C’est le résultat d’un travail sur la voilure, qui permet d’avoir une vitesse de décrochage très faible.
Le moteur hybride est rechargeable sur le réseau EDF ; il faut 20 minutes pour le recharger à 80 %. En l’air, on peut produire ou non de l’électricité pour recharger la batterie, lorsque l’on utilise le moteur thermique. Cela dépend du projet de vol. S’il y a une étape dans le voyage et qu’il n’y a pas de bornes de recharge au sol, on peut recharger les batteries pour assurer un décollage et un atterrissage supplémentaire sans bruit et sans émission de CO2. Sinon, la batterie permet de faire un décollage et un atterrissage et donc de limiter la consommation de carburant en vol ; elle est plus importante si on produit de l’électricité pour les batteries.
Avions taxi
Ces caractéristiques offrent de « la flexibilité » aux voyages. Elles ouvrent aussi une porte au transport à la demande. Des sociétés d’avions taxi sont actuellement démarchées pour leur soumettre les opportunités ouvertes par cet avion, qui permet de transporter un voyageur, en ne comptant pas le pilote. Mais après le développement de l’Alerion MH1, Avions Mauboussin va développer l’Alcyon, qui devrait pouvoir transporter cinq personnes, ouvrant encore plus les perspectives de ce marché. Le Griffon, autre déclinaison future de la gamme – dont les noms sont issus de l’histoire de l’héraldique –, sera destiné à la voltige.
Au-delà de ce marché du transport, l’Alerion s’adresse aux pilotes-propriétaires. Avions Mauboussin essaie de proposer un avion dont le prix avoisine les 300 000 euros. D’ici 2030, on devrait pouvoir proposer des avions avec un décollage et un atterrissage autonome. Le développement de l’hydrogène est déjà envisagé (lire par ailleurs).
D’ici la fin de l’année, le bureau d’études comptera une quinzaine de collaborateurs. Un prototype est attendu dans les prochains mois. Entre 2022 et 2024, ce sera la phase d’industrialisation et de certification de l’appareil. « Le plus gros de l’unité de production sera ici », garantit David Gallezot. Ce qui concerne la cellule – c’est-à-dire la structure de l’appareil – et l’assemblage seront effectués dans le secteur. Des éléments techniques sont produits ailleurs. Avions Mauboussin achète par exemple le moteur électrique en Slovénie ; c’est le seul moteur électrique certifié. Il en est de même pour l’hélice. La première vente commerciale est espérée fin 2024. Et les annonces d’Airbus en faveur d’un avion hydrogène, fin septembre, ont donné du crédit à cette démarche. Et un sacré souffle en faveur d’une nouvelle approche de la mobilité aérienne.
UTBM, FC Lab, l'écosystème belfortain favorable
David Gallezot est originaire du Doubs. Il a débuté son projet à Metz. Et il est arrivé à Belfort un peu par hasard. Il a entendu parler en 2014 d’un projet mené par des étudiants de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) ; ils planchaient sur un avion-taxi dans le cadre de leurs études de design. Il apprécie alors « le coup de patte ». Il leur confie ensuite le cahier des charges de l’Alerion, pour réaliser l’étude de style. Il en sort la première version du projet. En parallèle, David Gallezot découvre l’existence du département énergie et propulsion. Il n’en faut pas plus pour le motiver. Il vient s’installer à Belfort, où il pose ses valises en 2017. L’écosystème est favorable. Depuis quelques semaines, il dispose d’un hangar au Techn’Hom, où est installé son bureau d’études. Il dispose aussi d’un banc d’essais au FC Lab, à un jet de pierre de son bureau. Il a reçu des financements publics pour réaliser l’étude de faisabilité de l’hydrogène. Dans quelques mois, Avions Mauboussin va s’installer aussi dans un aérodrome, pour assembler le prototype.