« L’industrie a été sacrifiée au niveau européen. » Le constat de Christophe Husson, délégué syndical CFE-CGC chez l’équipementier automobile Forvia, est sans appel. Les décisions politiques conduisent l’industrie européenne, française et automobiles en particulier dans le mur, se désespère le représentant du personnel. Si décarboner la mobilité est un objectif noble, aucune ambition industrielle n’a été construite autour. « Les acteurs publics considèrent l’économie comme un marché alors qu’il faut la considérer comme un moyen d’accroître notre puissance industrielle territoriale », estime Christophe Husson.
Localement, son constat n’est pas mieux. « On voit des territoires et des élus qui travaillent en silos. Il n’y a pas de cohésion sur l’industrie et on manque d’agilité », critique-t-il également. Il regrette, par exemple, le peu de mobilisation politique autour de la stratégie nationale hydrogène, exceptée celle du conseil régional glisse-t-il. La mobilité hydrogène a été sauvé in extremis. Et timidement. Du bout des doigts. « Pour Forvia, par exemple, c’était un formidable opportunité d’innovation et de reconversion, mais il n’y a pas eu d’impulsion politique », analyse-t-il, évoquant un pivot de l’industriel vers l’hydrogène stationnaire qui redemande du développement. « Les politiques doivent plus défendre notre mobilité décarbonée, insiste Christophe Husson. On ne peut pas aller au charbon tout seul. »

« On a pêché par arrogance »
« S’il n’y a pas d’union sacrée de nos territoires, ce sera compliqué. Nous avons besoin d’une ambition forte », interpelle-t-il. « Nous devons nous comporter comme des lions pour trouver des marchés », invite Christophe Husson. Qui replace l’enjeu : « Les prochains mois seront très compliqués. » Les équipementiers automobiles ont engagé et vont engager d’importantes restructurations dans les mois qui viennent prévient-il. Les baisses de volumes observées n’augurent rien de bon. Si ce n’est le pire. « Si de gros équipementiers tombent, on aura des conséquences sur PME-ETI locales », redoute Christophe Husson. De compléter : « Ça risque d’être très compliqué pour nos territoires. »
« Notre volonté de générer du cash en travaillant dans les pays low cost, qu’on appelle maintenant best cost, on en paie les conséquences », alerte Christophe Husson, qui n’épargne pas, ainsi, les industriels. « Les Chinois ont perdu de l’argent au départ. Mais ils sont devant tout le monde aujourd’hui », replace l’ingénieur.
« On demande de faire en 5 ans ce que la batterie a fait en 20 ans », replace Christophe Husson. Et on reproduit exactement les mêmes erreurs qu’avec la batterie. « Dès qu’on perd un peu d’argent on arrête tout », regrette-t-il. D’ajouter : « S’il n’y pas une réaction forte en Europe, on va perdre le combat de la mobilité hydrogène », interpelle-t-il. De poursuivre : « Notre erreur est de considérer la mobilité décarbonée qu’autour de la batterie. Les Chinois ont compris qu’elle serait multiple. » Au-delà des erreurs de stratégies, c’est la posture qui interroge, selon Christophe Husson. « On a pêché par arrogance. »
« On est complètement à la ramasse »
« On a de grosses inquiétudes sur filière automobile en Europe », valide Tarek Zarhdad, de la CGT de Forvia. « Malheureusement, il est peut-être trop tard », interpelle-t-il, sans épargné ses homologues de la CFE-CGC. Selon lui, l’innovation est en Chine et le marché européen est faible et en sur-production. « Quand on alertait, on nous prenait pour des fous », dit-il. Selon lui, la voiture sera bientôt faite en Chine, malgré les droits de douanes. « On se prépare à la guerre alors que les ennemis sont déjà sur le terrain », image Tarek Zarhdad. D’ajouter : « L’hydrogène, en France, on est complètement à la ramasse. » Il regrette l’absence d’une stratégie globale et le saupoudrage. Inefficace. « Avec les centaines de millions d’euros mis dans région, on aurait pu faire plein de choses », regrette-t-il.