Le Trois –

Nabalüm Aminata : « Plus on rêve, plus le monde nous ouvrira les portes »

Nabalüm Aminata au Fimu 2025
Nabalüm Aminata, artiste burkinabée, se produit pour le Fimu ce dimanche 8 juin à 16h15, à la scène de l'Arsenal à Belfort. | ©Le Trois – Loéva Claverie
Interview

À la fois autrice, compositrice et interprète, Nabalüm Aminata étonne et enchante. Artiste engagée, la jeune femme burkanibée chante l’espoir et l’universalité et encourage dans ses textes à la scolarisation des jeunes filles et aux droits des femmes en Afrique.

Recueilli par Loéva Claverie

Comment vous est venue votre passion de la musique ?

Je crois que je suis née avec cette fibre musicale. Je viens d’une famille de comptables alors personne ne comprend d’où est venu cet amour pour la musique. Petite, je reprenais des chansons de personnes connues, dont Céline Dion et sa chanson « Pour que tu m’aimes encore ». À l’âge de 5 ans, mes oncles m’emmenaient pour que je chante devant leurs amis. J’ai voulu ensuite écrire mes propres chansons. J’ai commencé à composer, à créer des mélodies et c’est parti de là.

Comment décririez-vous votre musique et votre voix ?

Je fais de l’afro-saoul ou l’afro-fusion. C’est vraiment un mélange de musique africaine et de saoul et pop. Et ma voix, on me dit qu’elle est généreuse parce que j’ai beaucoup de coffre. Quand j’avais fait ma résidence à la Cité des Arts de Paris, Valérie de Thfoin de l’Institut Français de Paris, m’avait dit que j’avais une voix envoûtante. Moi je dirais qu’elle est un peu grave et pleine d’émotions.

Quelle est la langue que vous préférez pour écrire vos chansons et chanter ?

Je préfère ma langue maternelle, le mooré. Je fais toujours des mélanges entre le français, le mooré, le malinké, et parfois un peu l’anglais. Je souhaite que même ceux qui ne comprennent pas ma langue puissent retenir des bouts de mes messages. Mais le mooré me permet de transmettre plus de messages et d’émotions, car il y a des mots en mooré que je ne trouve pas en français. « Sounanro » par exemple, veut dire « la paix du cœur ». Il y a quelque chose de plus naturel, plus vrai et fluide dans sa langue maternelle.

Que racontez-vous dans vos textes ?

Je parle beaucoup des femmes et de leurs réalités de vie en Afrique. Au Burkina Faso, il y a plus de jeunes filles qui ne peuvent pas aller à l’école que de jeunes filles instruites. J’essaie de lancer des messages aux parents, aux familles, pour scolariser autant les filles que les garçons. Je parle des choix et des droits des femmes. Le droit de fonder ou non une famille, d’être seule, d’être mariée. On a le droit comme les hommes. Et je parle beaucoup d’amour parce que je pense que je suis remplie d’amour. Même la musique est sûrement venue de l’amour. C’est un thème très important pour moi. Qu’il soit fraternel, amical, spirituel, il faut qu’il y ait de l’amour.

Quels sont les autres défis auxquels est confrontée la jeunesse en Afrique ?

Il y a le manque d’emploi, comme partout. J’ai écrit des chansons d’espoir à ce sujet, pour dire aux jeunes qu’ils ont le droit de rêver, qu’il ne faut pas se limiter. Plus on rêve, plus le monde nous ouvrira les portes.

"Qui perd l'espoir, perd presque toutes les armes pour affronter l'avenir."
Nabalüm Aminata au Fimu 2025

J’ai écrit ma chanson Black car je voulais que mes frères et sœurs soient fiers de leur couleur de peau. On s’affirme en tant que noir et ça ne fait pas de nous des personnes différentes. Nous avons une couleur et une culture peut-être différentes, mais nous sommes tous des êtres humains et nous avons notre place partout dans le monde.

Beaucoup de mes chansons parlent d’espoir aussi, pour faire comprendre aux gens que l’espoir est difficile à entretenir et facile à perdre, mais qu’il ne faut pas le lâcher. Je pense que qui perd l’espoir, perd presque toutes les armes pour affronter l’avenir. J’étais un jour au Casino de Paris et des gens sont venus me voir pour me dire que ma chanson d’espoir M’yamê – qui signifie « Je suis fatigué » en mooré – les avaient aidés à tenir dans leurs débuts en tant qu’étudiants. En entendant ces témoignages, il est clair que nos chansons aident et encouragent. La musique n’est pas quelque chose de physique, c’est très spirituel. Le but est de toucher des âmes.

C’est d’autant plus important dans le contexte actuel du monde ?

Malheureusement, on ne comprend pas pourquoi les humains sont de plus en plus inhumains. On oublie le plus important : la vie, l’amour, être en paix. On s’efforce à se faire la guerre, à mettre plus de barrières qu’il y en a déjà entre nous. Tout ça est vraiment triste. La musique aide à comprendre que ces barrières nous sont imposées et que nous n’en avons pas besoin.

Quelles sensations ou émotions ressentez-vous sur scène ?

Je me sens très vivante. Je me dis que peu importe les difficultés rencontrées, ça vaut le coup juste pour ces moments-là sur scène où plus rien ne compte que ce qu’on a à échanger avec le public. Sur scène, je suis moi, je suis vraie, je suis vivante, je suis une lionne, je suis un petit oiseau, je suis tout ce que j’ai envie d’être. Selon le message que j’ai à véhiculer, je rentre dans le mood, dans l’énergie qu’il me faut. Je m’affirme plus sur scène qu’au quotidien. Hors scène, je suis un peu timide, mais je suis plutôt une femme qui a plein de rêves. J’essaie aussi au maximum d’être un bel exemple pour mes deux petits garçons et d’être une personne normale partout où je vais, pour qu’on retienne de moi un sourire, des paroles de bienveillance… Tout simplement parce qu’être une artiste ne fait pas quelqu’un de mieux que quiconque.

En France, on dit souvent qu’il est difficile pour une femme de se faire une place dans le monde de la musique. Est-ce autant difficile en Afrique ?

C’est même plus difficile en Afrique. Il y a des gens encore chez nous qui ne comprennent même pas qu’une femme puisse faire de la musique. Il y a des hommes qui crient haut et fort qu’ils n’épouseraient jamais une femme artiste. Il reste encore beaucoup de boulot par rapport à tout ça et pour concilier les rôles. Par exemple, mon rôle de maman et mon rôle d’artiste chanteuse, ce n’est pas toujours gagné, c’est un combat de tous les jours.

Quels sont vos objectifs de carrière pour la suite ?

Je souhaite faire entendre ma voix, faire connaître plus le Burkina Faso, musicalement et culturellement. Je veux transmettre des messages d’espoir, faire des collaborations avec des artistes partout dans le monde, ne pas avoir de limites. J’essaie maintenant de prendre ma carrière en main et d’être en autoproduction pour que ma musique me corresponde davantage et que ce soient mes propres attentes et messages, que ce soit entièrement moi dans ma musique.

J’ai été actrice dans le film Une seule longue nuit de Delphine Yerbanga, dont j’ai aussi composé la musique. Je fais un peu de mannequinat également. Et depuis deux ans, j’ai une association, nommé « Cœur de reine » qui a pour but de soutenir les femmes et les enfants en situation précaire et d’encourager à l’éducation des jeunes filles.

Quelle image souhaitez-vous transmettre du Burkina Faso ?

Je voudrais transmettre la résilience, parce que c’est un peuple qui est passé par beaucoup de difficultés mais qui reste debout malgré tout. Et je veux transmettre aussi l’identité même du Burkina Faso qui est la force, l’intégrité, la générosité et l’authenticité.

Pour finir, qu’est-ce que ça signifie pour vous de vous produire à Belfort aujourd’hui ?

Le Fimu est un magnifique festival dont j’ai entendu parler depuis mes débuts. Je viens pour la première fois et c’est une belle opportunité, je suis très heureuse d’être là. Je profite à fond et je vais donner le meilleur de moi-même. Pour que les gens n’oublient pas de sitôt qu’ils ont rencontré une jeune femme artiste burkinabée.

Nabalüm Aminata, à découvrir dimanche 16h15, scène de l’Arsenal. 

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