Le téléphérique de Salève (Haute-Savoie) a été inauguré en 1932 ; cet ouvrage d’art qui surplombe Genève et le lac Léman, non loin d’Annemasse, est inscrit au titre des Monuments historiques depuis 2018. Il est l’œuvre de l’architecte helvète Maurice Braillard, décrit comme « le Le Corbusier suisse », indique Alain Albizati, président de la société de travaux publics Albizzati, basée à Danjoutin.
Les travaux de réhabilitation de la gare haute du téléphérique ont été terminés cette année. Et le projet a été récompensé de l’Équerre d’argent, toute catégorie. Ce prix, organisé par les revues Le Moniteur et AMC, est le graal des récompenses en architecture. On le compare souvent au Goncourt pour la littérature et à la Palme d’or de Cannes, pour le cinéma. Un prix créé en 1983. La 42e édition s’est tenue ce lundi 18 novembre, à la Station F, à Paris ; 241 dossiers ont été reçus et examinés pour cette édition. Les différents prix de l’Équerre d’argent rétribuent des projets terminés dans l’année.
Le projet de rénovation a été porté par Devaux & Devaux Architectes. L’entreprise de travaux publics Albizzati a fortement contribué au chantier de rénovation de cet ouvrage de l’architecture moderne, de 2 000 m2 de surface de plancher. « C’étaient des travaux très techniques, valide Alain Albizzati, large sourire au visage, après avoir appris le résultat, compliqués à mettre en œuvre. » L’accès à la gare haute, à 1 100 mètres d’altitude, était complexe. La route, extrêmement étroite et sinueuse, a nécessité des véhicules spéciaux note Alain Albizzati. Il a fallu jouer avec le relief, la météo et les contraintes liées à la protection de la nature. Un sacré défi.
Le projet initial de 1932 n’a jamais été terminé. Des modifications et des restaurations ont été menées au cours du XXe siècle, notamment une au début des années 1980. Mais elles étaient « moyennes », voire « médiocres », note l’entrepreneur. Un béton enduit de 3 cm d’épaisseur a par exemple été mis lors de la dernière restauration. Pour le projet de rénovation, il a donc fallu enlever tous ces ajouts pour retrouver le béton originel. Le bâti a dû être également conforté, « le plus discrètement possible », assure Alain Albizati, pour qu’il soit viable et réponde aux règles de calcul d’aujourd’hui et non plus à celles de 1932. Il fallait aussi que l’ouvrage s’intègre au paysage, dans une zone classée Natura 2000. Le prix est sensible à la qualité paysagère.
« La puissance du projet »
Aujourd’hui, la gare s’apparente à un paquebot au-dessus du vide. Et les architectes ont travaillé un projet qui orientait les zones d’accès du public vers le vide indique un membre du comité de sélection de l’Équerre d’argent ; un restaurant a été installé dans la salle panoramique, qui était inexploitée. On respecte l’histoire de l’œuvre, tout en lui ajoutant des dimensions contemporaines. Ces ajouts au projet initial ont notamment donné une part belle aux baies vitrées, pour justement valoriser le paysage. Un nouveau mur d’escalade de
20 m de haut a été aménagé sur le pignon ouest de la gare. Celle-ci dispose aussi d’un belvédère ou encore d’une salle d’exposition, proposant aux curieux une sensibilisation à ce patrimoine mais aussi à la faune et à la flore qui l’entourent. Le cabinet a « fait un pas de côté » par rapport au cahier des charges du maître d’ouvrage, explique cette même source ; le concours d’architecte a été lancé en 2018.
Le jury a été « stupéfait », confie ce même membre du comité. Il a noté « la puissance du projet », « d’une grande difficulté ». « Ils ont magnifié un bâtiment qui n’a jamais existé comme tel » et qui est « sans doute mieux » que celui imaginé par Braillard a ajouté le jury. Et le projet est « au service de l’usage et du paysage », a encore apprécié le jury. Le chantier a duré 18 mois. Le projet s’élève à près de 13 millions d’euros.
L’entreprise Albizzati avait déjà eu les honneurs de l’Équerre d’argent, prix spécial du jury, pour un chantier auquel elle a participé en 2012, pour le monastère Sainte-Claire de Renzo Piano, sur la colline Notre-Dame-du-Haut, à Ronchamp (Haute-Saône) et en 2020 pour le théâtre du Maillon, à Strasbourg (Bas-Rhin), dans la catégorie Culture, jeunesse et sport. Elle intervient, par ailleurs, sur les travaux de restauration de la chapelle Le Corbusier, à Ronchamp (lire nos articles).