« Le Quebec, un pays qui n’en est pas un ! » En quelques mots, Émile Bilodeau, le Québécois et parrain de cette 36e édition du festival international de musique universitaire (Fimu), donne le ton. Au sens figuré. Et au sens littéral du terme. L’accent de la Belle Province chante à Belfort. Avec légèreté. Mais aussi conviction.
Le Canada compte plus de 38 millions d’habitants. Les Québécois sont 8,5 millions, dont 85 % sont francophones. « Nous sommes de petits guerriers de la culture francophone », sourit Émile Bilodeau, chanteur folk, pure produit des chansonniers québécois comme les Cowboys fringants ou Lisa Leblanc. Du haut de ses 26 ans, le verbe libre, jovial et volubile, il défend cette culture menacée par le marketing et les promotions nord-américains. « La Francophonie est aux mains d’Ottawa (la capitale fédérale, NDLR) », s’étonne-t-il, déplorant le recul du français dans les foyers, alors même que c’est une langue officielle. Il en est un ardent défenseur. Et il la fait vivre cette culture.
« Les miens, ce sont aussi les autochtones »
Mais son statut de porte-parole engage, selon lui. Et notamment vis-à-vis des populations autochtones, avec qui il multiplie les collaborations, à l’instar de l’artiste Kanen, qu’il invite à découvrir au Fimu (ses passages ici). Elle est originaire de la communauté autochtone innue d’Uashat mak Mani-Utenam, dans la province du Québec. « Il faut que les gens repartent en ayant vu ça », conseille l’artiste. Avec les communautés autochtones, Émile Bilodeau travaille sur de nouvelles sonorités, associe la nouveauté avec la tradition. Tout en relevant : « C’est fascinant de voir comment les traditions vivent encore. »
Lui-même représentant d’une minorité, il ne peut pas ignorer les difficultés de ces populations, cloîtrées dans des réserves. Il veut prendre conscience de « ses propres privilèges » pour dénoncer le racisme systémique dont sont victimes les autochtones insiste-t-il. « Les miens, ce sont aussi les autochtones », confie Émile Bilodeau, rappelant le rôle essentiel des Amérindiens dans l’implantation des Européens au XVIe et XVIIe siècle. « Il y a plein de belles histoires entre les autochtones et les Canadiens français. À nous de les mettre en valeur, estime-t-il. Ces gens nous ont permis de comprendre le territoire. » Ce féru d’histoire ne pouvait être que comblé par la cité du Lion, évoquant déjà, après seulement 24 heures à Belfort, les combats de 1870-1871.
Conférence à la CCI
Une masterclasse est organisée à la chambre de commerce et d’industrie le dimanche 28 mai à 14 h par Émile Bilodeau. Il parlera notamment de ses engagements écologiques, de la menace du dérèglement climatique et des effets sur les populations autochtones, avec la montée des eaux. Il évoquera aussi les projets de barrage, les autorisations du pouvoir fédéral de forages pétroliers.
Cette ouverture d’esprit, cette envie de partage et cette curiosité ne pouvaient que matcher avec l’esprit du Fimu. Et le voici à raconter sa rencontre avec un groupe géorgien, comme un symbole de ce que seul le Fimu peut façonner pendant quelques jours. Des rencontres. Des histoires. Des souvenirs. Cette singularité, il l’a mettra sur scène, ce dimanche, avec sa création originale, où il invite des amis, mais aussi des artistes locaux. « Tout le monde sera dans la lumière », promet-il.
S’il vient pour la première fois à Belfort, la France ne lui est pourtant pas inconnue. Il affiche au compteur une centaine de spectacles. Qui ne sont pas sans conséquence, assure-t-il sourire aux lèvres, en montrant un petit embonpoint naissant. « Qu’est-ce qu’on mange bien chez vous ! » justifie l’artiste. Et de conclure : « Tabernacle ! » Parfait pour donner le ton à cette 36e édition du festival international de musique universitaire.
Dimanche 28 mai, 20 h 45, création originale d’Émile Bilodeau, pour le Fimu, scène de l’Arsenal.