Pierre Roche, directeur de l’hôpital Nord-Franche-Comté quitte ses fonctions à la fin du mois. À l’occasion de ses vœux, vendredi, il a retracé sa carrière et défendu son bilan. Une carrière marqué par la pénurie médicale.
Pierre Roche, directeur de l’hôpital Nord-Franche-Comté, quitte ses fonctions à la fin du mois. À l’occasion de ses vœux, vendredi, il a retracé sa carrière et défendu son bilan. Une carrière marqué par la pénurie médicale. Et un bilan marqué par une restructuration hospitalière en Haute-Saône et le regroupement des hôpitaux de Belfort et Montbéliard.
Médiatiquement, Pierre Roche, le directeur de l’hôpital Nord-Franche-Comté, est une personne (très) discrète. Et les quelques relations qu’il a pu entretenir avec la presse n’étaient pas forcément très chaudes. Dans le milieu hospitalier, politique ou encore économique, tout le monde a un avis sur ce directeur qui a conduit la construction du nouvel hôpital à Trévenans et donc géré le déménagement des centres hospitaliers de Belfort et Montbéliard. Les relations ont pu être conflictuelles avec plusieurs. Et il ne s’est pas empêché de glisser quelques piques au détour d’une phrase, vendredi, à l’occasion de sa 8e et dernière cérémonie de vœux aux personnels de l’hôpital Nord-Franche-Comté.
Il fait valoir ses droits à la retraite après 40 ans de carrière et 33 ans comme chef d’établissement, dont 19 ans en Franche-Comté. Quatre décennies qui lui permettent de poser un regard sur ce milieu. « Vous avez maintenu le cap, malgré les tempêtes », salue le docteur Anne-Sophie Dupont, président de la communauté médicale d’établissement (CME), pour évoquer particulièrement ses 8 dernières années belfortaines.
Rassembler pour survivre
« Un de mes problèmes a été d’être confronté à la pénurie médicale, un sujet qui m’a poursuivi toutes ces années, constate Pierre Roche. Cela fait 30 ans que ces problèmes se posent. » Sans médecins, pas d’activité. Et sans activités, pas d’établissement hospitalier. Au départ, cette carence concernait les petits établissements hospitaliers. Puis cela s’est étendu à des centres beaucoup plus grands. Aujourd’hui, personne n’est épargné relève le directeur.
Cette situation l’a poussé à faire des choix drastiques, comme ce fut le cas en Haute-Saône, lorsqu’il est arrivé à Vesoul en 2001. Des médecins de Lure étaient à bout de souffle et menaçaient de partir. Il a donc décidé de regrouper les activités. La gynécologie à Vesoul, notamment, et les moyens et longs séjours à Lure. « J’ai compris que l’alternative était assez simple pour les établissements périphériques : soit on s’épuisait, soit on s’orientait vers une solution plus radicale, se remémore-t-il, avant de remarquer, avec un léger sourire : Ces restructurations ont suscité un certain nombre de réactions plutôt hostiles. »
En attente d’une reprise de la dette
Dans les mesures évoquées par la ministère de la Santé, Agnès Buzyn, pour répondre à la crise hospitalière et en particulier des Urgences, il y a une reprise de la dette. Damien Meslot, président du Grand Belfort et président du conseil de surveillance de l’hôpital Nord-Franche-Comté a profité de la présence du directeur de l’agence régional de santé pour le réclamer. « Je serai vigilant, a répondu Pierre Pribile, à ce que cet établissement puisse bénéficier de ces promesses. » L’endettement est de l’ordre de 300 millions d’euros.
Assainir la situation financière
En 2012, la situation n’est pas la même dans le nord Franche-Comté. Montbéliard et Belfort sont déjà réunis sur le plan administratif. Le regroupement en un seul établissement est déjà lancé. « C’étaient deux établissements de même taille, avec la même chose et qui ont entretenu une concurrence, remarque Pierre Roche. Il était évident, indispensable, nécessaire de regrouper ces deux hôpitaux sur un même site. » Mais il faut déjà assainir une situation financière, marquée par un déficit structurel de l’ordre de 5 millions d’euros et une dette cumulée de 40 à 45 millions d’euros, et finaliser le montage financier, facilité notamment par la nomination à Bercy de Pierre Moscovici. Si Pierre Roche est viscéralement attaché à l’hôpital public, cela n’exonère pas de devoir en assurer une bonne gestion. Et à ceux qui lui reprochent d’être obnubilé par les finances, il répond : « On a toujours dit que c’étaient les finances ma priorité. Ma priorité a toujours été l’activité. »
Son arrivée est houleuse. Quelques mois après, il engage un plan de réduction du personnel : 90 personnes sur trois ans. « Tranquillement », confie-t-il en souhaitant rappeler son état d’esprit. Au gré des départs. Cela s’est soldé par une grève d’un mois et demi. Sous son mandat, 160 postes ont été supprimés à l’hôpital Nord-Franche-Comté. « C’est énorme », concède le directeur. « Il ne me semblait pas scandaleux de demander à l’établissement de faire un effort », estime-t-il tout en rappelant que son bilan, il le doit aussi aux équipes. « On a demandé aux médecins de prendre plus de lits qu’ils ne devraient », cite-t-il en exemple.
« Tenir les objectifs »
Ce projet de nouvel hôpital est essentiel pour le territoire. Et vital. « Qu’elle serait l’état des deux établissements hospitaliers sans la construction de celui-ci », questionne Pierre Pribile, directeur de l’agence régionale de santé (ARS). Il est venu de Dijon pour rendre hommage au futur retraité. « C’est extrêmement rare qu’une projet de cette ampleur soit conduit avec une telle fiabilité », félicite-t-il.
Pierre Roche est revenu sur ce chantier, où il a reçu de nombreux coups. Il a été farouchement critiqué. « On m’a reproché de ne pas faire travailler les entreprises locales, reconnaît-il. Mais il ne pouvait pas en être autrement. » Il justifie ce choix par la taille et la complexité technique de la construction. « On ne pouvait pas confier des macro-lots à des entreprises locales. Il n’en reste pas moins que cela a bénéficié à des sous-traitants. » Et de préciser que des travaux engagés par l’hôpital Nord-Franche-Comté ont bénéficié aux entreprises locales, évoquant l’institut de formation aux métiers de la santé (IFMS), à Montbéliard, ou le centre de consultation externe et de prélèvement installé au Techn’Hom l’été dernier. Des reproches, il en a aussi essuyé au sujet du devenir des sites des anciens hôpitaux. Il a pu s’opposer fermement avec l’ancienne majorité belfortaine. « Nous n’avions pas vocation à devenir un promoteur immobilier », affirme-t-il toujours aujourd’hui.
Combatif et courageux sont les deux adjectifs que retient Pierre Roche pour qualifier son rôle de directeur. « Il faut incarner une ligne claire et tenir les objectifs », poursuit celui qui dit n’avoir jamais regretté de travailler le service public hospitalier. Les problèmes qu’il côtoie depuis 40 ans se poursuivent. Voire s’accentuent. « Et les réformes se télescopent », analyse-t-il. Son successeur sera connu au printemps.