mis à jour le 31 janvier à 22h14
Les bouchons démarrent tôt, mardi 31 janvier à Montbéliard. Il est très difficile de circuler passé 13h30. Sur le pont Armand-Bermond, les gens s’entassent, descendent sur le parking du Champ-de-Foire pour permettre aux arrivants de se faufiler parmi le cortège. Des représentants de chaque syndicat se pressent pour tenir la banderole d’entrée de cortège. Interrogés, ils répondent sur la manière dont ils voient les prochaines semaines.
Un mot d’ordre chez les syndicalistes : l’optimisme. C’est assez rare pour le noter. « La rue est en train de prendre de l’ampleur. Regardez ! » pointe du doigt un représentant syndical de la CGT. La foule est impressionnante. Selon la police, ce sont 5 000 personnes qui sont présentes. Selon la CGT, les chiffres tournent autour de 6 200 personnes. Peu importe, le monde est là. Assez pour scinder le cortège en deux, place Francisco-Ferrer. 3 000 premiers manifestants se dirigent vers le commissariat, tandis qu’autant tournent pour atteindre le conservatoire, puis la gare. Le but : paralyser la ville et la circulation au maximum. Une première pour montrer leur mécontentement. Des deux côtés, la manifestation se déroule dans le calme. Le soleil tente de percer, tandis que les manifestants frottent leurs mains gelées l’une contre l’autre.
« Notre stratégie, maintenant, c’est de tenir dans la durée », expose Éric Peultier, délégué syndical Force ouvrière chez Stellantis. « Nous allons continuer à descendre dans la rue. Et s’il faut, nous irons jusqu’à bloquer les usines, les entreprises, les villes », pointe-t-il. En 20 ans, il n’a jamais vu une telle mobilisation. Cela lui donne de l’espoir. Un espoir partagé par Anthony Rué, délégué syndical CGT. « Maintenant, pour gagner, nous allons devoir rester déterminés. » De son côté, il veut rencontrer un maximum de salariés, organiser des ateliers pour pousser encore plus de monde à se mobiliser et rejoindre les manifestations.
Un peu plus loin, François Lapprand, professeur des écoles et délégué syndical FSU, imagine des grèves reconductibles pour faire plier le gouvernement. « Mais c’est une vraie bagarre. Les grèves ne sont pas simples pour les gens dans un contexte de crise sociale.» Il pense aussi qu’il perdure un manque de confiance de la population au sujet des grèves. « Beaucoup n’y croient pas ». Mais comme beaucoup aujourd’hui, il fait partie des optimistes. « On ne peut que l’être quand on voit le monde qu’il y a pour cette deuxième journée de mobilisation.» La force du mouvement selon lui est le regroupement en intersyndicale. Cela permet d’avancer en bloc contre la réforme. « Je n’ai pas d’espoir dans les parlementaires. Si le gouvernement doit plier, ce sera grâce aux manifestations et grâce à des grèves qui paralyseront le pays.»
Le cortège va se scinder après la rue Charles Lallance, une partie (environ 3000) va avancer direction le commissariat. L’autre moitié vers le conservatoire. Rdv devant la gare. « On tient le boulevard périphérique », annonce les représentants syndicaux #Montbéliard pic.twitter.com/EYrEiLcBcv
— Le Trois (@letrois_info) January 31, 2023
Vers des manifestations le samedi ?
« Pour la retraite, Montbéliard s’arrête », scandent en chœur des manifestants dans le cortège. Adil Bourouis, vêtu d’un gilet bleu, arrive avec un grand sourire. Représentant syndical de la CFTC, il est ravi de l’ampleur du mouvement. Mais « on peut encore mieux faire », tance-t-il. Et pour cela, c’est encore « une part de la jeunesse qui doit se mobiliser.» Pour lui, si l’intersyndicale impulse un mouvement positif qui part du « bas », la suite du mouvement devra aussi être soutenue largement par les parlementaires. « Ils doivent prendre leurs responsabilités.»
À l’arrêt avec son drapeau orange, Valérie Bouchet jette un coup d’œil derrière elle pour voir le nombre de personnes qui arrivent au niveau du conservatoire en travaux de Montbéliard. « Beaucoup », souffle-t-elle avec un sourire. Elle est la secrétaire adjointe du syndicat métallurgie de la CFDT. « Évidemment, cette manifestation est réussie. Mais maintenant, il faut partir sur une stratégie « sur du long terme.» « Nous nous devons d’être fort sur la durée.» Selon elle, cela passe par des manifestations le samedi, pour permettre aux gens de s’investir sans perdre du pouvoir d’achat. Comme Adil Bourouis, elle souhaite raccrocher un maximum les étudiants et les professeurs au mouvement ; le rectorat de Besançon communique sur un taux d’enseignants grévistes de 24,58% contre 25,92% au national. La mobilisation n’est pas encore à son paroxysme, selon elle. Même si elle remarque, déjà, que de nouvelles têtes sont apparues par rapport à la manifestation du 19 janvier.
Sur les coups de 15h50, les manifestants regroupés sur la place écoutent les dernières instructions de l’intersyndicale. « On sait que ce n’est pas en deux manifestations que nous aurons la victoire, mais c’est un début.» Une nouvelle date doit être définie nationalement pour la prochaine journée de mobilisation. Lorsque les chiffres sont annoncés, des cris retentissent. Pour les manifestants présents ce mardi, il y avait plus de 6 000 personnes. Nouvelles réactions en cœur – cette fois positive – quand l’intersyndicale leur annonce réfléchir à des manifestations le samedi. Beaucoup hochent la tête.
Concernant Montbéliard, une réunion regroupant tous les syndicats est prévue ce mardi soir (31 janvier) pour permettre de décider des suites à donner au mouvement pour lui permettre de tenir dans la durée. Tous semble décidés à faire perdurer le mouvement aussi longtemps que nécessaire pour permettre de faire plier le gouvernement. Une dynamique similaire à celle de Belfort, qui a enregistré lors de cette seconde journée de mobilisation 3 400 participants selon la police et plus de 5 000 selon la CGT, au départ du cortège.
Selon les syndicats cités par l’AFP, plus de 2,5 millions de personnes ont défilé dans le pays ce mardi. Le ministère de l’Intérieur en a compté moitié moins, mais tout de même plus de 1,27 million. Davantage que la première mobilisation du 19 janvier, et même plus que le record historique de 2010, au plus fort de la contestation contre une précédente réforme des retraites.