Louis Deroin, président de la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) du nord Franche-Comté, ne décolère pas face à la décision du Grand Belfort d’augmenter les bases minimales des valeurs locatives, servant au calcul de la cotisation foncière des entreprises (CFE), ce qui fragilise encore plus les commerces, selon lui. Entretien.
Qu’est-ce que la cotisation foncière des entreprises ?
Louis Deroin – Cette contribution remplace l’ancienne taxe professionnelle, supprimée en 2010. Elle taxe l’entreprise selon une méthode de calcul basée sur les valeurs locatives de l’immobilier d’entreprise, que le chef d’entreprise soit propriétaire ou locataire. Cet élément est croisé avec une grille de tarifications basée sur des tranches de chiffre d’affaires (Il y a 6 tranches, NDLR). Historiquement, la taxe professionnelle n’était basée que sur l’outil de production.
Comment définit-on la valeur locative ?
LD – Elle est définie par les services fiscaux, en fonction de données socio-économiques liées au secteur. On ne paie pas la même chose en fonction du secteur cadastral où l’on est situé et en fonction de notre catégorie de bien (bureaux, commerces, usines…). Ensuite, les services fiscaux ajustent en éditant des coefficients de pondération. Lors de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels où siègent les services fiscaux, les élus et des représentants du monde économique (Louis Deroin siège dans le Territoire de Belfort, NDLR), nous discutons de ces coefficients pour encourager par exemple un secteur en difficulté. On définit ensuite un barème au mètre carré.
Quelle décision a approuvé le Grand Belfort à l’occasion du conseil communautaire du 9 janvier ?
LD – La collectivité a modifié les bases minimales des valeurs locatives servant au calcul de la CFE. Ils ont pris comme base minimum la valeur maximum de la fourchette éditée par les services fiscaux (photo ci-dessous).
Quelles sont les conséquences d’une telle décision ?
LD – Cela entraîne une forte augmentation de la CFE. Sur 18 retours de mes adhérents (il y en a 55 dans le Grand Belfort), il y en a 5 pour qui cela ne change rien, mais ce sont des entreprises qui ont de gros locaux. Sur les 13 autres, l’augmentation oscille entre + 70 % et + 250 % de cotisation à devoir payer au mois de novembre (certaines cotisations, de quelques centaines d’euros, dépassent dorénavant largement le millier d’euros, voire atteignent 2 000 euros). Avec cette décision, à secteur géographique et activité identiques, celui qui a un plus petit local sera plus pénalisé. Prenons un exemple. Une société avec un chiffre d’affaires de plus de 500 000 euros. Elle a une valeur locative définie à 1 452. Selon les bases de l’an passé, la base minimum applicable était de 1 911. Aujourd’hui, cette base minimum est définie, pour sa tranche de chiffre d’affaires, à 6 745. Elle va alors enregistrer une hausse de 252 % de sa CFE.
Cela semble toucher particulièrement de petites sociétés…
LD – Si, aujourd’hui, on me répond qu’en ajoutant la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises, le territoire du Grand Belfort est plus attractif que les voisins, je réponds qu’il ne faut pas mélanger les choux et les carottes, car la taxe foncière est payée par le propriétaire du bâtiment alors que la CFE est payée par le chef d’entreprise. Et ce n’est pas forcément la même personne. D’autant plus que le taux de CFE du Grand Belfort, qui s’applique à la base de la valeur locative, est plus élevé que celui des voisins (tableau ci-dessous). On augmente au maximum la base minimum de calcul, touchant directement les petites entreprises qui ont un chiffre d’affaires compris entre 100 000 et 500 000 euros. Ce sont exactement les catégories des commerçants de centre-ville. Avec un taux de CFE supérieur aux voisins, c’est la double peine.
Y-a-t-il eu des précédents dans le nord Franche-Comté ?
LD – On a eu le même problème avec Pays de Montbéliard Agglomération (PMA), en 2013. À l’époque, on ne l’a découvert qu’au mois de novembre, en recevant l’avis d’imposition. On s’est battu pour que la collectivité revienne dessus. Comme les services fiscaux ne pouvaient rien faire, on a proposé à PMA d’approuver la mise en place d’un fonds de compensation, qui a permis de rembourser la différence liée à l’augmentation. L’année suivante, ils ont remis les anciennes bases.