Nicolas Huchet fait de la batterie. De la batterie, grâce à une prothèse qu’il développe lui-même depuis 2012 pour pouvoir en jouer. Ce samedi, il est présent à l’espace All access, pour son premier vrai concert aux Eurocks. Rencontre.
Nicolas Huchet fait de la batterie. De la batterie, grâce à une prothèse qu’il développe et perfectionne depuis 2012 pour pouvoir en jouer. Ce samedi, il est présent à l’espace All access, pour son premier vrai concert aux Eurocks. Rencontre.
« Depuis gamin, je voulais faire de la batterie. C’est seulement après l’accident que je m’y suis mis », raconte Nicolas Huchet, qui a perdu sa main en 2002. Ancien mécanicien dans l’industrie, l’artiste, qui se produit aux Eurockéennes ce samedi sur la scène All access, s’est battu pour fabriquer ce qui n’existait pas encore. Une prothèse adaptée pour jouer de cet instrument.
« Ça a donné un sens à ma vie », explique-t-il en désignant l’une des prothèses qu’il a développées à l’aide d’une imprimante 3D qui lui permet de tenir une baguette ou un micro. Depuis son accident, le musicien a eu du mal à trouver un modèle qui tienne la route. « Mes prothèses tombaient toujours en panne. Et ce n’est pas toujours remboursé…» Il explique aussi la période d’errance qu’il a traversée, après l’accident. « Je ne savais que faire de ma vie. Je percevais une rente, j’avais un peu d’argent, mais je vivais très mal de ne plus travailler et de ne plus trouver de sens à ma vie. J’ai baroudé en Amérique du Sud, j’ai été en coloc, au chômage. Je ne savais pas comment rebondir..» Puis est venu cette période, ce déclic. En 2012, en se rendant au salon du numérique à Rennes. C’est là qu’il découvre les imprimantes 3D, et tous les objets que l’on peut développer avec.
« J’ai découvert que ma vie était destinée à fabriquer ma main »
Fab Lab, création, prototype en série, rebond, amortisseur à partir de pièces industrielles. L’artiste découvre ce jargon si particulier qui lui permet de développer son art. « En 2012, il y avait un seul prototype de main qui existait en open source (en libre donnée) sur internet. » Puis il découvre des confrères au Japon, en Angleterre. Conçoit des prothèses de plus en plus évoluées. Fait naître son association “My human kit” en 2014 accompagné de ceux qui l’ont aidé dans le Fab Lab. Ils sont désormais sept employés, à Rennes, et voyagent à travers le monde pour échanger sur ce travail. « Ce sont devenus de vrais copains », explique-t-il en souriant.
« Quand j’ai réussi à créer ma prothèse, il s’est passé un truc. Je me suis rendu compte de ma capacité à agir sur moi-même.» Et sa capacité à aider les autres. Il expose n’avoir jamais voulu déposer de brevet. Son cœur de projet repose sur le partage. Il était, pour lui, hors de question de privatiser cette création : elle doit profiter à tous les musiciens qui souhaiteraient l’utiliser. « Au début, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai regardé ma prothèse: vraiment, à l’intérieur. J’avais l’impression de me bricoler. Mais c’est là que j’ai découvert que ma vie était destinée à fabriquer ma main.»
Cette édition des Eurockéennes est toute spéciale pour le musicien. Il s’est rendu au festival il y a quelques années, en 2018, pour présenter son association et jouer par-dessus des morceaux. Aujourd’hui, il revient pour un vrai spectacle avec une touche d’humour. D’ailleurs, il a intitulé son spectacle One manchot. De l’animateur à perruque au showman à la batterie, au travail de compositeur et chanteur, l’artiste présente « ses multiples facettes ». Un peu ému, il se remémore le chemin parcouru. « Je venais d’une famille où il faut bosser, une famille d’ouvriers.» C’est dans un coin de sa tête qu’il avait gardé la batterie et la musique, avant d’en faire un accomplissement après l’accident. Sur scène, le sourire est grand, généreux. Un peu comme sa musique.
L’espace All Access, pour des Eurockéennes pour tous
L’espace All Access permet aux festivaliers porteurs d’un handicap de se poser un moment dans un endroit aménagé au calme, de profiter des sièges tout terrain d’Handisport et d’un accompagnement pour une partie ou tout le long du festival, ou encore d’assister à de multiples activités : chant-signe, cyclo-danse, flashmob. Au bar, ce sont des personnes malentendantes qui servent. Il faut signer pour commander. « L’occasion de créer un moment de partage entre tous et de montrer aux festivaliers porteurs de handicap qu’on peut aller partout », narre Yannick Calley, le gérant de l’espace All Access. Au total, ce sont trente-cinq bénévoles qui sont présents sur le site pour accompagner les personnes porteuses de handicap.