Le Trois –

Emmanuel Viellard : « L’entreprise est un partenaire fiable »

Emmanuel Viellard, directeur général de Lisi Group et président du Medef Territoires francs-comtois (©Le Trois – Thibault Quariter).
Crise sanitaire. Hausse des matières premières. Difficultés d’approvisionnement. Contexte inflationniste. Crise énergétique. Difficulté à recruter. Les chefs d’entreprise jouent les équilibristes depuis trois ans. Emmanuel Viellard, président du Medef territoires francs-comtois, fait le tour des dossiers qui préoccupent les entrepreneurs. Entretien.

On connait bien le Medef dans les médias nationaux. Moins localement. Aujourd’hui, le mouvement des entreprises de France (Medef) veut avoir une parole qui pèse localement. Emmanuel Viellard, directeur général de Lisi Group, à Grandvillars, est le président du Medef Territoires francs-comtois depuis juillet 2022 ; il est également membre du comité exécutif de l’entité nationale. « Le Medef est un ensemble extrêmement large, qui regroupe toutes les entreprises, y compris les PME », insiste celui qui veut porter « la voix des entreprises ». « L’entreprise est responsable. C’est un partenaire fiable et elle fait partie de la richesse des territoires », insiste Emmanuel Viellard. Il invite à leur faire confiance.   

Les difficultés s’accumulent sur les entreprises depuis la crise sanitaire, en 2020. « On pouvait être pessimiste sur la situation économique », convient-il. Pour autant, « ça tient », souligne Emmanuel Viellard. Selon une étude nationale du Medef, validée localement, 80 % des chefs d’entreprise se déclarent optimistes. La situation n’est pas brillante, mais il n’y a pas d’effondrement. Et certains indicateurs macro-économiques sont rassurants : le carnet de commande se maintient, les innovations restent fortes et la production se poursuit. Une dynamique qui s’appuie notamment sur les exportations, à l’instar des entreprises locales.

« La situation est tendue »

Les motifs d’inquiétudes sont quand même nombreux. Premier sujet de préoccupation : le coût de l’énergie. Un dossier qui l’agace un peu. En septembre, « on a affolé le système », regrette Emmanuel Viellard. Les marchés ont suivi. Les prix ont flambé. Le kilowattheure a été multiplié par dix constate-t-il avec regret. Et lorsque les entreprises ont dû renégocier leur contrat, le couperet est tombé. « Plus vous êtes une petite entreprise et plus vous êtes pris en tenaille », analyse-t-il.

Cette hausse des coûts de l’énergie couplé à un contexte inflationniste a mis les trésoreries des entreprises au supplice. « Tous ce que les ménages vivent, les entreprise le vivent aussi », schématise Emmanuel Viellard. Pour produire, vous devez consommer des matières premières, investir dans des machines, avoir de l’outillage. Les coûts augmentent, de l’ordre de 10 % estime le directeur général de Lisi Group. Une partie a été répercutée sur les prix de vente, mais pas la totalité souligne Emmanuel Viellard, en particulier pour les entreprises œuvrant en qualité d’équipementiers, de sous-traitants ou de prestataires pour de grands donneurs d’ordre ; les marges de négociations sont beaucoup plus restreintes. Automatiquement, les marges des entreprises se réduisent. Avant cette conjonction de crises, l’équilibre des entreprises était déjà « au trait », dixit Emmanuel Viellard. Alors aujourd’hui, c’est plus délicat. « La situation est tendue », confirme-t-il

Dans ce contexte, la résilience est au rendez-vous. Mais cela n’empêche pas les difficultés. « Nous avons une hausses des défaillances », convient Emmanuel Viellard, avec des cessations de paiement en hausse de 50 % précise-t-il. Une réalité nationale observée localement.

Le contexte inflationniste a aussi poussé les chefs d’entreprise à accroître l’enveloppe des augmentations annuelles. Avant, les hausses étaient situées entre 2 à 2,5 % d’augmentation par an rappelle Emmanuel Viellard. Cette année, c’était plutôt de l’ordre de 4 à 5 % glisse-t-il. « Là, on est passé un cran au-dessus, car les salariés ont besoin de pouvoir d’achat », confirme-t-il. Les chefs d’entreprise se sont aussi appuyés sur le dispositif de la prime de partage de la valeur (PPV) – « que l’on appelle prime Macron, mais qu’on devrait plutôt appeler prime Patron, car c’est nous qui la payons », dixit Emmanuel Viellard. « Il n’y pas de conflictualité sur les salaires », observe le président local du Medef, qui estime que le dialogue social fonctionne bien globalement. Mais ce sont autant d’arguments qui contraignent les finances des entreprises.

« Ce n’est pas la réforme du Medef »

Autre sujet de préoccupation, le poids des charges sociales. « Les entreprises assurent une grosse partie de la couverture sociale », replace Emmanuel Viellard, qui souligne que le Medef ne demande pas la suppression des charges sociales. « Mais nous avons besoin d’une égalité des règles du jeu quand nous sommes en compétition », glisse-t-il, alors que la Franche-Comté est soumise à une rude concurrence sur le recrutement, avec la Suisse. « Le recrutement est un sujet majeur », valide Emmanuel Viellard. Il dénonce une concurrence « déloyale » et un « système très généreux pour les frontaliers ». Selon lui, ils devraient cotiser en plus. Les salaires sont plus attractifs côté suisse, au détriment des entreprises françaises. Elles ne peuvent pas, d’une part, s’aligner, et le coût global des salaires est plus élevé pour l’entreprise française que pour l’entreprise suisse. Une sorte de double peine difficile à accepter, qui explique peut-être aussi, selon lui, la difficulté des PME françaises à franchir un palier pour grandir. Et de questionner pourquoi la France a quatre fois moins d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) que l’Allemagne. Cette concurrence « asymétrique », notamment liée aux impôts de production, plombe les entreprises françaises, selon lui.

Aujourd’hui, le contexte social n’est pas non plus « simple » en France, convient Emmanuel Viellard. La colère sociale liée à la réforme des retraites s’ajoute aux précédentes difficultés. « Ce n’est pas la réforme du Medef », tempère cependant le président. Il note, par contre, que le déficit annuel annoncé de la caisse des retraites, pour 2027, sera de 12,4 milliards d’euros, sur une enveloppe globale des pensions de retraite de 331,6 milliards d’euros (en 2020). Ce déficit implique d’emprunter pour combler le différentiel, souligne-t-il, ce qui dégrade les capacités financières du pays. « On va nous attribuer des coûts immédiats, ce qui nous pénalise », observe-t-il. Et de rappeler : « Nous, les entrepreneurs, nous souhaitons sauver le système par répartition, donc il y a besoin d’un équilibre. »

L'emploi des seniors

Selon des données de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail, le taux d’emploi des 55-64 est de 56 % en 2021, contre 81,8 % pour les 25-49 ans. Le taux d’emploi des 60 ans est de 52,3 %, celui des personnes âgées de 63 ans de 18,1 % et celui des personnes de 64 ans de 13,3 %

Les détracteurs de la réforme des retraites craignent que le recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans ne conduise à déplacer les pensionnaires d’une retraite en allocataires du chômage, compte tenu du faible taux d’emploi des seniors ; en 2021, le taux d’emploi des 55 à 64 était de 56 % (lire par ailleurs). « Je souhaite garder les expérimentés », confirme pour sa part Emmanuel Viellard, précisant également que pendant des années, on a découragé les chefs d’entreprise à les garder. « J’ai 200 postes ouverts [à Lisi], replace-t-il. Même à 60 ans, je les prends. »

Au-delà de la réforme, il souligne surtout que les entreprises ont besoin d’un pays « en bonne santé ». Entre les lignes, on sent surtout que les chefs d’entreprise demandent de la sérénité. Et de leur faire confiance. Devant eux se dressent des défis de taille : la décarbonation notamment. Cet automne, les entreprises ont déjà réussi à réduire rapidement leur consommation électrique. « On nous a demandés de la réactivité, note Emmanuel Viellard. Et nous avons été capables de faire des efforts quand on l’a demandé. » C’est la version court terme de la sobriété. À long terme, des démarches RSE sont mises en place dans les entreprises, souligne-t-il également. Pour Lisi, par exemple, des projets éoliens, solaires et hydrogène sont lancés, avec des objectifs « plus ambitieux » que ceux de l’Union européenne, en parallèle d’une réflexion sur la raison d’être du groupe. « Toutes les entreprises s’engagent », insiste Emmanuel Viellard. C’était son message : des entreprises engagées. Dans leur territoire.

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