Le chercheur Daniel Hissel est le directeur du FC Lab, à Belfort. On y travaille sur la pile à combustible et les développements de l’hydrogène énergie dans des applications quotidiennes : transport, habitat…
Le chercheur Daniel Hissel est le directeur du FC Lab, à Belfort. On y travaille sur la pile à combustible et les développements de l’hydrogène énergie dans des applications quotidiennes : transport, habitat… Il aborde l’avenir de cette technologie dans le nord Franche-Comté, un territoire pionnier.
Vous parlez d’hydrogène énergie… Pourquoi utiliser ce suffixe ?
De manière classique, l’hydrogène est souvent perçu comme un gaz ; il est donc difficile, parfois, de percevoir les utilisations que l’on peut en faire. L’hydrogène est bien un gaz, mais le suffixe énergie permet de rappeler que nous allons l’utiliser dans un contexte de mix énergétique, de transition énergétique. Cet hydrogène, aujourd’hui, il va falloir le produire, si possible, de façon propre, à partir d’énergies propres et renouvelables.
Comment produit-on l’hydrogène ?
Le principe de production est assez simple : c’est l’électrolyse de l’eau. Je fais passer un câble électrique dans de l’eau, avec deux électrodes. Je vais avoir d’un côté de l’hydrogène qui va être produit et de l’autre de l’oxygène.
On associe à l’hydrogène la notion de pile à combustible… Quel est le lien ?
Une fois que j’ai produit de l’hydrogène au sens énergétique, je vais pouvoir le stocker dans des réservoirs. La pile combustible, c’est le processus inverse. Je vais utiliser cet hydrogène et l’associer, dans une pile à combustible, à l’oxygène de l’air, pour fabriquer trois choses : de l’eau, même si ce n’est pas ce qui va m’intéresser au premier ordre ; de l’électricité ; et de la chaleur. Cette électricité permet, notamment, de faire avancer des voitures ou d’alimenter des logements. La chaleur, quant à elle, permet d’alimenter en chaleur des logements, voire de réchauffer l’habitacle de mon véhicule en hiver.
On observe une accélération de cette technologie, tant sur sa maîtrise que sur ses applications. Des trains roulent à l’hydrogène en Allemagne et on pourrait rapidement en avoir sur les lignes de Bourgogne-Franche-Comté. De quoi résulte cette tendance ?
Cette nette accélération, on la perçoit depuis 3 à 4 ans, alors que nous travaillons depuis 20 ans sur l’hydrogène à Belfort. Pour moi, au sens d’un universitaire, on est passé d’une logique d’offres à une logique de demandes. Une logique d’offres, c’était d’offrir nos services à des partenaires industriels. Très récemment, nous sommes passés à une logique de demandes. Dorénavant, ce sont les industriels qui viennent nous voir. Leurs demandes sont liées à la transition énergétique, aux nouvelles normes de pollution. Il leur faut des solutions propres, de mobilité, de fourniture énergétique dans des sites stationnaires… L’hydrogène y répond complètement.
Concernant les voitures, en termes de performance, a-t-on les mêmes soucis qu’avec les batteries électriques classiques ?
Un véhicule électrique à batterie et un véhicule à hydrogène (doté d’une pile à combustible, NDLR) sont tous les deux des véhicules électriques. La base est la même. La seule différence, c’est que sur les véhicules électriques à batterie – comme on en voit aujourd’hui dans le commerce – l’ensemble de la charge énergétique à bord est lié à ces batteries. À bord d’un véhicule à hydrogène, l’électricité est stockée grâce à l’hydrogène dans des réservoirs ; on a ensuite une pile à combustible pour l’utilisation. L’intérêt par rapport au véhicule électrique à batterie, c’est que je ne viens pas recharger les batteries, qui sont très longues à recharger ; aujourd’hui, une recharge classique, c’est 8 heures. Pour les véhicules à hydrogène, je remplis un réservoir d’hydrogène, qui se fait en 5 minutes. En termes d’autonomie, celle des véhicules à hydrogène est liée à la taille du réservoir et non à la taille de la batterie, forcément limitée. Dans les solutions commerciales que proposent aujourd’hui Toyota, on fait entre 500 et 700 kilomètres d’autonomie avec une voiture électrique à hydrogène, comme un véhicule traditionnel.
Il y a 20 ans, lorsque vous êtes arrivés à Belfort, l’hydrogène était un sacré pari…
Il faut souligner que la décision de créer une activité de recherche sur l’hydrogène énergie et les piles à combustible à Belfort résulte d’un choix stratégique à la fois politique et scientifique. J’associe bien les deux parce que, d’un point de vue politique, les décideurs politiques de l’époque ont eu une certaine vision des enjeux que pouvait représenter ce nouveau vecteur énergétique. Et ils ont préparé ce futur en disant : « On va essayer d’attirer des activités de recherche sur ces sujets et on va les accompagner avec des moyens matériels et des plateformes d’essais. » Ici, nous sommes installés sur une plateforme d’essais qui, dans le domaine des systèmes “pile à combustible”, est ce qui se fait de plus grand en Europe, au moins pour des structures publiques de recherches. Nous avons fait des choix scientifiques de développement d’une activité, dans des domaines qui étaient consacrés non pas aux aspects chimiques et électro-chimiques, mais aux aspects intégration d’un objet dans des applications, qu’ils soient pour les voitures, pour le transport ou pour l’habitat.
Vous participez mardi à une conférence sur l’avenir de l’hydrogène dans le nord Franche-Comté. Quelles sont les perspectives ?
Il y a quelques années, nous nous sommes interrogés sur la nécessité de pouvoir bénéficier d’un écosystème associant les activités de recherches, mais aussi tout un tissu industriel de PME, de start-up ou de grands groupes. La question s’est posée assez tôt car nous avons volontairement soutenu et développé la création de start-up. Nous avons par exemple une belle pépite, H2SYS. C’est une start-up issue du laboratoire qui développe des groupes électrogènes à hydrogène. Mais on a aussi essayé d’accompagner les choix stratégiques des grands groupes industriels. On parle ici de Faurecia, qui installe à Bavans son centre de recherche R&D mondial sur les réservoirs hydrogène. Le choix de cette implantation n’est pas du tout anodin. Il va être générateur d’emplois, de valeurs ajoutées et de nouveaux débouchés pour notre territoire. Nous venons de signer un accord-cadre entre l’entreprise Faurecia et le FC Lab pour les accompagner dans le développement de tous les objets hydrogène énergie qu’ils vont être amenés à développer. Dans le nord Franche-Comté, il y a un phénomène d’agrégation de compétences sur l’ensemble de la chaîne de valeur autour de l’hydrogène énergie. On parle également d’applications autour d’un centre de tests de réservoirs, Isthy, et d’applications dans l’habitat. Tout cela a été intégré à Territoire d’innovation, dont le dossier a été déposé et a été retenu pour une audition (programmée mercredi 3 juillet, ndlr).
Il faut poursuivre l’investissement…
Dans ce territoire, nous sommes clairement en avance par rapport au niveau national. Il faut capitaliser sur cette avance pour aller encore plus vite et plus loin.