Comment continuer à aider sans mettre en danger ? C’est toute la difficulté des services d’aide à domicile. Et encore plus quand les masques manquent.
(AFP)
Comment continuer à aider sans mettre en danger ? C’est toute la difficulté des services d’aide à domicile. Et encore plus quand les masques manquent.
“Réduire la voilure” pour ne pas risquer de propager davantage l’épidémie, sans pour autant abandonner à leur sort des bénéficiaires très fragiles et isolés: c’est le délicat équilibre que tentent de maintenir les services d’aide à domicile pour les personnes âgées vulnérables. Depuis l’instauration du confinement, “nous avons abandonné certaines activités, comme le ménage, mais il nous faut absolument maintenir les prestations essentielles, comme l’aide au lever, au coucher, à la toilette”, résume Florence Arnaiz-Maumé, du Synerpa, qui regroupe des maisons de retraite et services à domicile privés.
“Parfois les prestations sont suspendues à la demande des familles, car elles préfèrent s’occuper elles-mêmes de leur parent âgé”, explique de son côté Guillaume Quercy, de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA). Cependant, lorsque les proches n’habitent pas à proximité, “on ne peut pas déserter le terrain, car il s’agit d’aider des personnes à se nourrir, à se laver”, appuie-t-il.
Or, les professionnelles du secteur – des femmes dans leur immense majorité – sont confrontées à une pénurie de masques de protection, et craignent en conséquence d’être contaminées… ou de contaminer les bénéficiaires. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé samedi des commandes massives de masques, mais en priorité pour le personnel soignant, leur nombre restant limité à neuf par semaine pour les personnes exerçant des activités d’aide et de soin à domicile, quand elles en trouvent.
"Ça ferait mal au cœur d'arrêter"
Françoise, qui exerce dans le Territoire de Belfort, raconte ainsi qu’elle est revenue bredouille de la pharmacie. Les personnes âgées, du moins lorsqu’elles n’ont pas de trouble cognitif, ont pourtant peur “lorsqu’elles nous voient arriver sans protection”, témoigne l’aide à domicile, qui espère pouvoir continuer à assurer ses missions, car cela lui “ferait mal au cœur d’arrêter”. En Bretagne, Pascale, une autre intervenante à domicile, raconte son quotidien chamboulé : d’un côté, elle a dû remplacer trois de ses collègues, qui “se sont mis en arrêt maladie” ou ont préféré arrêter leurs prestations par peur du virus. De l’autre, elle ne fait plus le ménage chez une vieille dame “qui m’a demandé de ne plus venir, car elle avait trop peur de la contamination”, et n’intervient plus chez un monsieur âgé, qui souffre de problèmes respiratoires chroniques. “Ce sont des salariés d’une maison de retraite qui prennent le relais et viennent chez lui. Eux, au moins, ils ont des masques”.
"Le seul contact avec le monde extérieur"
Dans ce secteur, les intervenantes doivent cesser le travail “à la première petite toux, à la première fièvre, par précaution”. Ce qui conduit à un absentéisme “non négligeable, mais pour l’instant tenable”, estime Pascal Champvert, de l’association de directeurs de structures AD-PA.
La réduction de certaines prestations en est une conséquence. “Mais il ne faut pas perdre de vue que pour certaines personnes isolées, le seul contact avec le monde extérieur est la dame qui vient les aider chaque jour. Il faut absolument préserver ce lien”, insiste-t-il. Car l’enjeu est aussi d’éviter que le senior fragile fasse une mauvaise chute, “et se retrouve aux urgences pour autre chose que le virus”, souligne Florence Arnaiz-Maumé. Pour éviter cela à son père Fernand, 92 ans, qui habite un petit village de Haute-Saône, Eliane a dû au pied levé prendre le relais de l’aide à domicile, alors qu’elle habite à 30 km.
“Du jour au lendemain, l’entreprise m’a informée qu’elle ne viendrait plus, sans vraiment donner de raison”, s’étonne-t-elle. “On m’a juste dit que l’aide était suspendue pour les bénéficiaires les plus autonomes. Pourtant, mon papa ne peut plus faire sa toilette tout seul, il a des béquilles, ne voit plus très clair et a des troubles cognitifs”.
Contactée par l’AFP, Eliad, la structure qui assurait jusqu’à présent l’aide à domicile chez Fernand, confirme avoir réduit ses activités de 60% depuis le début de la crise du coronavirus. “On a mis une bonne partie de notre personnel en confinement, pour anticiper la progression de l’épidémie“, explique le directeur général, Xavier Coquibus. “Quand on prend des mesures d’une telle rapidité, forcément on fait des erreurs. Il faudra réajuster”, a-t-il admis.