26 des 79 résidents de l’établissement sont décédés. Un traumatisme pour les personnes âgées, les familles et le personnel. Il va falloir du temps pour l’apprivoiser, même si un élan de vie rejaillit déjà.
(AFP)
26 des 79 résidents de l’établissement sont décédés. Un traumatisme pour les personnes âgées, les familles et le personnel. Il va falloir du temps pour l’apprivoiser, même si un élan de vie rejaillit déjà.
“Un virus peut bouleverser toute une vie. On n’en sortira pas tous indemnes” : pendant un long mois, le personnel et les résidents de l’Ehpad de Thise, près de Besançon, ont lutté contre le Covid-19, avant de circonscrire l’épidémie qui a emporté un quart des pensionnaires. “Notre métier, c’est d’accompagner la fin de vie”, poursuit la directrice de l’établissement, Charlotte Euvrard, “ça fait partie de notre travail d’avoir des décès”, mais pas autant.
Thérèse Simonnet, 92 ans, se remet doucement de la disparition depuis début mars de 26 des 79 résidents de l’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) Vill’alizé de Thise. Dix-neuf de ces décès ont formellement été attribués au Covid-19, même si toutes les victimes n’ont pas été testées.
“Certains sont partis. Il y a eu beaucoup de morts”, témoigne cette charmante grand-mère en chemise rose.
Infectée par le virus, Mme Simonnet a eu “peur de mourir“. “Vous perdez votre vitalité, vos forces… et finalement, pour moi, ça revient petit à petit”, confie la survivante, décidée à “garder le moral” malgré sa grande fatigue, ses douleurs et ses difficultés à marcher. Dès le 2 mars, à l’aube d’une épidémie qui a déjà fait près de 18 000 morts en France, dont 6 860 dans les Ehpad et autres établissements médico-sociaux, les premiers symptômes du nouveau coronavirus ont fait leur apparition au sein de cette maison de retraite du groupe Korian.
Les premiers jours sans mort furent un soulagement
Une salariée de l’établissement qui avait participé fin février au rassemblement évangélique de Mulhouse, l’un des premiers foyers épidémiques en France, a été diagnostiquée positive au Covid-19. “On pense que le virus est arrivé par là, mais on n’en est pas certain et on ne le saura jamais”, explique Mme Euvrard. “On a tout de suite stoppé toutes les visites, confiné les résidents en chambre et tout le personnel a porté du matériel de protection”, ajoute-t-elle. Masques, sur-blouses et appareils à oxygène sont arrivés en nombre. Les effectifs des infirmiers ont été doublés le jour et renforcés la nuit pour assurer une surveillance médicale permanente des résidents.
“Le virus est très contagieux, on s’en est très vite rendu compte”, relève Mme Euvrard. En dix jours, 52 résidents et 25 membres du personnel ont présenté des symptômes du Covid-19. Agés en moyenne de 88 ans, les pensionnaires étaient particulièrement à risque. “Pendant deux mois on n’a pas touché terre. Personne n’a compté ses heures. On a été des machines pour se lever et venir travailler chaque jour”, témoigne l’infirmière coordinatrice, Annabelle Torquiau. Pour elle, “il y aura un avant et il y aura un après, avec un gros travail de reconstruction à faire”.
Une de ses collègues, Pauline Bouvet, abonde : “Au bout d’un moment on se demandait : quand est-ce que ça va se terminer ? Encore des décès aujourd’hui ?”. Les premiers jours sans mort furent un soulagement. Finalement, les mesures mises en place ont fonctionné et le dernier cas symptomatique a été enregistré le 13 mars. “Ça fait un mois que le virus ne circule plus chez nous”, note la directrice, “l’équipe peut souffler un peu”.
Des résidents masqués réapparaissent désormais au compte-gouttes dans le jardin et les couloirs de la maison de retraite, accompagnés de soignants qui respectent scrupuleusement les gestes barrières.
"Les personnes âgées reviennent à un élan de vie"
“Emotionnellement ça a été très difficile de les voir partir”, confie Stéphane Rozet, infirmier. “On est habitué à avoir deux ou trois décès par mois, c’est notre quotidien. Mais là on a eu beaucoup de décès en peu de temps”, ajoute le trentenaire, affecté par la disparition de ces personnes auxquelles il s’était parfois “beaucoup attaché”.
Il a une pensé pour les familles à la douleur indescriptible. “On a essayé de faire tout ce qu’on pouvait. Un certain nombre ont pu venir dire un dernier au revoir aux personnes vraiment en toute fin de vie“, dit-il. Pour les autres, il le sait, “avec une mise en bière immédiate, la phase de deuil va être compliquée”.
Les personnels ont maintenant “hâte” de lever un peu le confinement et de pouvoir “accueillir de nouveaux résidents”. “On ne lâche pas la vigilance, mais on espère que le plus dur est derrière nous”, ajoute l’infirmier, “pressé de voir la vie reprendre ses droits”. La même envie germe chez les personnes âgées, assure Mme Torquiau. “Elles ont envie de ressortir et de se revoir. Elle reviennent à un élan de vie”.