Les instituts universitaires de technologie entament une profonde mutation qui conduit à la mise en place, à partir de la rentrée 2021, d’un diplôme universitaire délivré en trois ans, le bachelor universitaire de technologie (BUT).
Les instituts universitaires de technologie (IUT) entament une profonde mutation qui conduit à la mise en place, à partir de la rentrée 2021, d’un diplôme universitaire délivré en trois ans, le bachelor universitaire de technologie (BUT). Cela modifie l’organisation de l’établissement et son rapport avec le territoire. L’IUT veut également orienter ses enseignements autour de l’écologie et du développement durable. Entretien croisé avec Bruno Viezzi, directeur de l’IUT Belfort-Montbéliard, et Olivier Prévôt, directeur adjoint.
Avec le bachelor universitaire de technologie (BUT), les IUT se transforment en profondeur. Pouvez-vous détailler ?
Bruno Viezzi – Ce bachelor universitaire de technologie (BUT) s’inscrit dans la structuration européenne des diplômes, alors que les IUT étaient restés à un diplôme à bac + 2 (à côté des diplômes universitaires de technologie (DUT), en 2 ans, l’IUT Belfort-Montbéliard dispensent aussi des licences professionnelles, NDLR). À partir du 1er septembre 2021, nous commencerons à former des étudiants à ce diplôme en trois ans. Les dix spécialités de l’IUT Belfort-Montbéliard resteront, mais l’organisation de ces enseignements va évoluer. Ils seront organisés sous la forme de blocs de connaissances et de compétences ; pour l’instant, nous sommes organisés sous la forme classique d’unités d’enseignement. La formation sera moins tubulaire. Un tiers des enseignements sera du ressort de l’IUT (le volume total sera de 2 000 heures pour un bachelor de nature industrielle et de 1 800 heures pour un bachelor de type tertiaire, NDLR). Nous allons nous inscrire davantage dans notre environnement socio-économique.
Olivier Prévôt – Précédemment, les DUT étaient structurés autour d’un programme pédagogique national, rédigé à 100 % à l’échelle nationale. Nous avions le droit de modifier, localement, un quart de ces enseignements. Demain, seulement 66 % des enseignements seront rédigés nationalement. Le tiers restant sera rédigé localement. Nous devons nous positionner pour dessiner une carte de formations et une coloration locale. Quel dispositif met-on en place pour la définir, en s’entourant des branches professionnelles, des opérateurs de compétences (OPCO, organisme chargé d’accompagner la formation professionnelle, NDLR), des professionnels, des étudiants et des personnels afin de créer un espace de concertation et répondre aux attentes et aux besoins des entreprises, à celles des collectivités locales. Que pouvons-nous inventer pour fabriquer un marqueur à l’IUT Belfort-Montbéliard ?
Sont-ce des colorations autour de l’hydrogène ou du numérique ?
O.P. – Notre souhait, c’est d’orienter une partie importante de ces enseignements spécifiques autour de l’écologie et du développement durable. À l’intérieur de cela, nous aurons des briques, dont l’hydrogène. Mais cela touche aussi le tertiaire. Les départements Gestion administrative et commerciale des organisation (GACO) et Techniques de commercialisation (Tech de co) ont par exemple développé, il y a quelques années, un module autour des cadres éco-gestionnaires, afin d’avoir une gestion éco-durable d’un stock ou de l’achat de matériel. Tous les départements peuvent être concernés, à leur niveau, par l’écologie et le développement durable.
L'IUT en chiffres
- 1 700 étudiants
- 10 DUT
- 13 licences pro
- 120 enseignants et enseignants-chercheurs
- 207 personnels
Vous souhaitez construire ce projet avec le territoire. Qu’attend-t-on aujourd’hui de l’IUT Belfort-Montbéliard ?
B.V. – La thématique du développement durable n’est pas choisie au hasard. Nous avons, depuis quelques années, initié le projet éco-campus. Il a une dimension autour des bâtiments et une restructuration des enseignements sur Belfort. Mais c’est surtout un projet pédagogique où nous sommes déjà dans cette dimension de développement durable, de réaménagement de l’espace, de réappropriation des espaces et de consommation modérée.
O.P. – Le passage de bac +2 à bac +3 interroge les branches professionnelles, car cela change les grilles de rémunération et de qualification. Nous savons aussi qu’il y aura beaucoup plus d’alternance et de projets tutorés ; il y aura une présence accrue du monde professionnel dans la structuration et l’animation des programmes. 25 % des enseignements devront être réalisés par des professionnels du domaine. Cela nécessite de resserrer les liens, mais aussi de trouver de nouvelles procédures. L’essentiel de nos intervenants sont des personnes recrutées à titre personnel parce que nous les connaissons, parce qu’ils ont déjà suivi des étudiants ou parce qu’ils travaillent avec nous. Il faudra conventionner de manière plus importante avec les entreprises pour qu’elles mettent à disposition des personnels. Si elles acceptent, il faut aussi qu’elles y voient un intérêt. Les blocs de connaissances et de compétences doivent être co-construits pour que nos étudiants soient bien accueillis en structure. Nous avons une expérience dans les liens avec les entreprises, mais elle doit être renouvelée, réactivée, réinventée. C’est l’occasion de repositionner les IUT dans l’espace local et national. C’est un magnifique challenge.
Une autre notion est centrale : l’idée de passerelle…
O.P. – Dans l’arrêté, ces dimensions de parcours et de passerelle sont très importantes ; c’est une condition d’accréditation. Les étudiants peuvent arriver de BTS, d’une UFR (unité de formation et de recherche, une composante de l’université, NDLR), comme l’UFR STGI (sciences techniques et gestion de l’industrie) dans le nord Franche-Comté. Il faut qu’un étudiant qui vient de cette UFR, où il ne trouve pas son compte et qui veut se professionnaliser, puisse entrer en L1, L2 ou L3 chez nous. Inversement, des étudiants de bons niveaux académiques doivent pouvoir aller à l’UFR STGI ou à l’UTBM, où nos étudiants pourraient avoir un intérêt d’entrer sans passer par les années préparatoires. Des étudiants qui seraient en difficulté à l’UTBM pourraient venir ici retrouver un nouveau souffle. Tout cela est à construire. Nous avons déjà des coopérations, mais ce sont des coopérations qu’il va falloir formaliser.
L’IUT s’est doté d’un service dédié aux entreprises il y a un an. Quel est son rôle ?
B.V. – C’est un service qui n’existait pas, alors que l’ADN de l’IUT est son ancrage professionnalisant. Nos étudiants travaillent dans les entreprises, vont en stage dans les entreprises et réalisent des projets tutorés pour les entreprises. Jusqu’à ce que l’on crée ce service, chaque département et chaque formation travaillait directement avec les entreprises. Nous avons construit, avec deux chargés de mission, un véritable service pour mettre à la disposition des entreprises un guichet unique. Les entreprises ont la possibilité de s’adresser à ce service pour organiser des visites ou des collaborations. L’idée est aussi de pouvoir les solliciter pour qu’elles nous accompagnent et qu’elles nous aident (Les entreprises peuvent payer la taxe d’apprentissage, en euros ou en dons de matériel, directement à l’établissement de formation, NDLR).
La réforme des IUT renforce-t-elle ces liens ?
B.V. – Nous avons une augmentation, dans les programmes, du nombre d’heures d’immersion professionnelle. Nous avons aussi l’obligation d’avoir le quart de nos enseignements dispensés par des professionnels du secteur. Des compétences vont être dispensées par les entreprises, dans les entreprises et évaluées par les personnes en charge de suivre les étudiants dans les entreprises. Nous allons travailler de façon beaucoup plus étroite qu’aujourd’hui.
Aujourd’hui, l’IUT compte 200 apprentis. La tendance lourde est d’encourager l’alternance, soit en apprentissage, soit en contrat de professionnalisation…
B.V. – Tout à fait. Dans un avenir proche, je pense que les deux formats vont même se confondre. Dès septembre 2020, nous proposerons deux nouvelles formations en apprentissage, la 2e année de Techniques de commercialisation et la 2e année de Services à la personne pour le DUT carrières sociales.
L’enjeu de l’alternance, c’est de mieux répondre aux besoins des entreprises ?
B.V. – C’est mieux répondre aux besoins des entreprises, mais c’est aussi un mode de formation qui correspond à un profil d’étudiants. L’idée est de pouvoir réinvestir et d’apprendre en situation. Nous avons des étudiants qui sont beaucoup plus sensibles à ce type de pédagogie.
O.P. – Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les plus mauvais étudiants qui sont en apprentissage. Ce sont des étudiants qui sont souvent plus matures, car il faut être capable d’intégrer une entreprise, d’intégrer ses codes, ses règles et ses modes d’organisation. Nous avons développé des savoir-faire qui amènent des étudiants de bons niveaux académiques à choisir l’apprentissage. Nous confions aux entreprises le soin de valider des connaissances et des compétences que nous ne donnerons pas en cours. C’est un transfert et une répartition de l’apprentissage entre l’entreprise et nous. C’est une autre façon, pour l’équipe enseignante, d’envisager un parcours étudiant. Nous souhaitons construire des filières d’excellence en apprentissage. Nous voulons structurer ces filières le plus tôt possible, du bac – 2 au bac + 8, autour des grands enjeux, par exemple l’hydrogène.
Cette réforme doit donner une couleur à l’IUT Belfort-Montbéliard, pour qu’il se détache à l’échelle nationale. En même temps, le rôle premier d’un IUT n’est-il pas de proposer une offre de formations de qualité à la population locale ?
B.V. – Il y a 118 IUT en France. Il y a forcément un IUT à moins de 80 kilomètres de son domicile. Le maillage du territoire est très bien proportionné. Nous avons à l’IUT un peu plus de 50 % d’étudiants boursiers ; des étudiants qui n’auraient pas tous la possibilité d’aller poursuivre une formation à Besançon, Dijon ou plus loin. Nous jouons pleinement notre rôle. L’IUT de Belfort-Montbéliard, avec ses 10 formations et ses 13 licences professionnelles, offrent un panel de formations complètement adapté et intéressant pour la population.
O.P. – Cela ne s’oppose pas à l’attractivité. Un tiers des étudiants pourraient venir d’autres régions de France pour la thématique dont nous traitons. Nous avons besoin d’attractivité et de mixité, avec des gens venant d’autres territoires, avec d’autres perceptions et d’autres visions ; c’est très important que le solde soit positif. C’est valable pour les étudiants, mais aussi pour le personnel et les enseignants-chercheurs. Pour faire de bonnes formations, il faut des bons personnels. Pour faire de bons chercheurs, il faut de bons personnels administratifs et techniques. Cela implique un IUT où il se passe quelque chose.