Jean-Marie Mercier, le fondateur du restaurant végétarien Le Pochon Magique, à Belfort, vient de publier une histoire sensible de cette aventure peu commune. Lui le professeur de philosophie au lycée Courbet, qui endossait ensuite le tablier de cuisinier. Entretien.
Jean-Marie Mercier, le fondateur du restaurant végétarien Le Pochon Magique, à Belfort, vient de publier une histoire sensible de cette aventure peu commune. Lui le professeur de philosophie au lycée Courbet, qui endossait ensuite le tablier de cuisinier. Entretien.
En cette fin d’après-midi du mois de mai, les rayons du soleil caressent le délicat jardin de cette maisonnette de la rue de Brasse, à Belfort. Le charme du lieu opère. L’âme de la maison se dévoile. La façade verte de cette demeure est devenue iconique dans la cité du Lion. On peine à croire qu’elle était grise et triste en 1979, lorsque Jean-Marie Mercier l’acquiert pour en faire un restaurant végétarien, le Pochon Magique. C’est finalement « une belle endormie », pour reprendre ses mots, qui se cache derrière ses murs et ses volets. Une belle endormie qu’il a réveillée. Mais depuis laquelle il a surtout éveillé.
Il vient d’écrire La Ballade du Pochon, publié par Les Éditions de l’impasse du Jardinet. Ce n’est pas une histoire de ce lieu. « Ce n’était pas possible, confie-t-il. Elle est trop liée à moi. » Il propose donc un récit sensible, autobiographique de son aventure du Pochon magique. Surtout, il voulait « chanter » ce lieu. La ballade convenait parfaitement. « Dans mon esprit, c’est plus poétique, émotionnel, affectif. C’est plus qu’une histoire », confie cet ancien professeur de philosophie du lycée Courbet, à Belfort, né en 1944, mais dont la jeunesse illumine toujours le visage. « Parler en mon nom, c’était le meilleur moyen d’être à peu près honnête », sourit-il.
La mélodie du Pochon magique
La fin des années 1970 était « une époque très féconde », « effervescente », se souvient Jean-Marie Mercier. « Il y avait toute une mouvance, anarcho-gauchiste, poursuit-il. C’était une époque ouverte, fantastique, avec une société en mouvement. » À cette période, il n’allait pas au restaurant. Il a créé celui dans lequel il voulait aller. Pendant 37 ans, cette idée a accompagné sa vie. Écrire lui a aussi permis de transmettre le témoin ; « cela m’a fait du bien », reconnait-il. Depuis 2018, l’association qui gère le Pochon magique est présidée par Alexis Sesmat.
Quand il quittait l’estrade de sa salle de cours, c’était pour retrouver le piano de sa cuisine, afin de concocter une cuisine végétarienne. Le discours politique se dresse dans l’assiette. S’il était lui-même flexitarien, comme on dirait aujourd’hui, il avait aussi conscience du poids de l’élevage sur la nature et par extension sur le réchauffement climatique. Une position qui n’a pas pris une ride aujourd’hui. Comme il l’écrit à la page 22 : « Nous sommes actuellement dans le mur annoncé. C’est à la fois réjouissant et désespérant. On savait tout il y a cinquante ans et pour l’essentiel rien n’a changé. » Et de se référer au médecin psychiatre et psychanalyste Wilhelm Reich. Selon lui, explique Jean-Marie Mercier, c’est le désert émotionnel de l’homme qui produit le désert dans la nature. Nous devons renouer le contact avec elle pour mieux la protéger. Ce message induit au Pochon à l’époque est toujours d’actualité.
S’il chante aujourd’hui Le Pochon magique, Jean-Marie Mercier rappelle qu’il a arrêté le jour où il n’arrivait plus au restaurant en sifflotant. Pour autant, la douce mélodie continue d’être fredonnée, depuis 42 ans. C’est une ballade. C’est une ode. Pour ne pas oublier l’urgence d’agir.
- La Ballade du Pochon, de Jean-Marie Mercier, Éditions de l’impasse des Jardinets, 10 euros.