Samia Jaber a décidé de retirer sa candidature aux élections législatives, dans la 2nd circonscription du Territoire de Belfort. Elle a entendu les appels d’union des électeurs. Mais elle rappelle aussi la responsabilité des candidats.
Samia Jaber a décidé de retirer sa candidature aux élections législatives, dans la 2nd circonscription du Territoire de Belfort. Elle a entendu les appels d’union des électeurs. Mais elle rappelle aussi la responsabilité des candidats. Elle a fait un acte fort. Elle attend un geste pour construire cette union localement et n’hésite pas à pointer du doigt des responsables de cette division. Une interview forte, marquée d’une pointe de tristesse, d’amertume et d’un sentiment d’injustice. Mais un propos non dépourvu d’espoir de parvenir un jour à réussir cette (re)construction de la gauche.
Quelles motivations aviez-vous pour vous présenter ?
Nous voulions axer notre campagne sur les questions industrielles, car nous savions bien que le candidat chevènementiste (Jean-Baptiste Petitjean, NDLR) serait sur ce terrain ; c’est son profil. Avec Alexis Sesmat (son suppléant, délégué syndical Sud Industrie, à General Electric Gaz, une des figures du combat de 2019, NDLR), nous étions à-même de battre le fer. C’est celui qui représente Emmanuel Macron qui vient parler d’industrialisation, alors que c’est lui qui a organisé le démantèlement [d’Alstom]. Il nous semblait important de le rappeler au cœur de la campagne. Derrière l’affaire General Electric, il y avait aussi la question de la politique énergétique et du mix énergétique. Nous avons besoin du nucléaire pour la transition écologique. Nos 56 réacteurs nucléaires sont vieillissants, en service depuis les années 1980. Si on ne relance pas la construction de réacteurs, nous serons en pénurie d’électricité en 2035 ; d’autant que pour décarboner notre économie ,nous devons produire plus d’électricité propre sans émission de CO2. Jusque-là, La France insoumise et Les Verts ont fait le choix de l’abandon du nucléaire. Cela me dérange que la Macronie locale soit la seule à défendre ce mix énergétique. J’aurais aimé avoir un face-à-face avec eux sur ce dossier. Les élus sortants n’ont rien fait non plus. J’ai été la première à demander au Grand Belfort de taper du poing sur la table. Ils ont refusé d’accompagner l’intersyndicale dans son recours contre l’État (en 2019, NDLR). Quelle est leur position, aujourd’hui, sur le recours engagé par l’intersyndicale contre l’évasion fiscale ? Là encore, on attend des actes ! Les impôts que ne paient pas GE en France sont un manque à gagner pour l’État et le contribuable, mais aussi pour notre territoire. Ces élus ne disent pas non, mais ils louvoient.
Pourquoi avoir décidé de vous retirer ?
Les électeurs de gauche, épuisés depuis 2012 des différents échecs électoraux, expriment une demande pressante d’unité, pensant que c’est l’unité qui permettrait de revenir aux affaires localement et nationalement. Ils demandent : « Mettez-vous d’accord ! » Ils ne veulent pas voir les détails ni forcément regarder les différences entre la ligne d’Arnaud Montebourg par exemple et celle des Verts. Je ne veux pas donner le signal que cette dernière question soit plus importante que l’union.
Ce retrait a-t-il été facile ?
Ce n’est pas un choix facile. D’abord, sur le fond. Nous avons des divergences à gauche et les candidats [actuels] ne reprennent pas ces thématiques. Ensuite, il y a la question de la légitimité. J’ai commencé comme présidente de conseil de quartier. En 2001, je ne me serais pas présentée directement aux législatives. Je suis partie de la base, je suis une militante de terrain et j’ai pris 20 ans pour me former. L’engagement politique est besogneux chez moi. Je ne supporte pas les gens qui arrivent avec la gueule enfarinée ; je suis peut-être un peu vieillotte (rire). Mais, j’ai surtout envie d’enfoncer le clou sur cette volonté d’unité.
C’est-à-dire ?
Je réponds à la demande d’unité des électeurs. Mais j’interpelle ceux qui sont candidats. Sur les quatre candidats (deux titulaires et deux remplaçants, NDLR) de la nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) dans le Territoire de Belfort, trois sont membres d’En Commun pour Belfort (Florian Chauche, Mathilde Regnaud et Juliette Hamard, NDLR). S’ils veulent l’unité aux législatives, je leur demande l’unité au conseil municipal, en ne constituant qu’un groupe de gauche, afin que nous puissions donner des gages de sincérité et d’unité aux électeurs. Il faut sortir des discours d’union pour passer aux actes. En 2015, après la division aux élections municipales de 2014, nous faisons le choix de nous rassembler avec Bastien Faudot, pour les élections départementales. En 2021, grâce aux nombreux maires, qui nous ont accompagné Bastien, moi et les élus sortants du Département, nous avons réussi à rassembler la majeure partie de la gauche grâce à l’adhésion d’Europe Écologie Les Verts (EELV) puis du Parti communiste français (PCF), qui ont accepté la proposition de présenter des candidatures uniques et de respecter la diversité et les sortants. Une seule entité n’y participe pas et n’appelle pas à voter au second tour pour nos candidats (Samia Jaber pointe du doigt En commun pour Belfort, NDLR). Nous perdons de 106 voix à Valdoie et de 220 dans le canton de Belfort 3. Le dénominateur de ces divisions de 2014, 2020 et 2021, c’est la même personne. C’est Christian Proust ! Ce dernier – qui a réalisé de grandes choses tout au long de sa vie d’élu comme président du Département – est devenu depuis 2014 le grand organisateur de l’affrontement de la gauche. Pis, son fossoyeur.
On évoque une coalition à gauche. Vous parlez de conventions bilatérales. Qu’entendez-vous ?
Quand Jean-Luc Mélenchon évoque un rassemblement, pendant la présidentielle, j’applaudis des deux mains. Mais j’évoque un rassemblement de toutes les gauches (post Facebook ci-dessous). Au lieu de rassembler tout le monde, La France Insoumise (LFI) a décidé de faire des accords bilatéraux avec quelques partis, comprenant un accord électoral et un accord programmatique. Mais ce ne sont pas les mêmes. Si LFI maximise ses chances électoralement, il ne pourra en aucun cas avoir une majorité à l’Assemblée nationale sans le rassemblement de toute la gauche. Jean-Luc Mélenchon veut-il vraiment la majorité ? Il faut être honnête avec les électeurs. Et on a squeezé des élus implantés pour désigner des inconnus.
Vous aviez soumis votre candidature à des forces de gauche…
Quand Arnaud Montebourg se retire de la course à l’élection présidentielle, il me demande de réfléchir à une candidature aux élections législatives. Il y a alors des discussions avec le Parti communiste français (PCF) et le Parti socialiste (PS). Le premier négociait avec la Gauche républicaine et socialiste (GRS). On s’était mis d’accord sur une candidature commune, dans la 2nde circonscription. Ce qui est arrivé ensuite (la coalition à gauche, NDLR) était plus forte et a tout emporté. Avant la présidentielle, personne ne s’attendait à ce que cela discute. Ces accords sont une bonne chose, mais ils ne sont pas suffisants ; c’est un acte manqué. Avec son « Mélenchon Premier ministre », Jean-Luc Mélenchon maintenait le souffle pour les législatives. Mais il n’est pas allé au bout de sa démarche. J’ai envie que l’on soit honnête avec les électeurs. Beaucoup y croient à ce 3e tour.
Soutiendrez-vous les candidats de la nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) ?
Non, je ne soutiendrai pas Nupes pour le moment, mais je ne ferai pas obstacle. J’ai fait un acte fort, j’attends le retour. En 2020 (aux élections municipales, NDLR), nous avons proposé le rassemblement de nos deux listes avant le premier tour. Il nous a été refusé (la condition du rassemblement était le départ de Samia Jaber et Bastien Faudot, les n°1 et n°2 de la liste, formule-t-elle, NDLR). Entre les deux tours, on propose la fusion. On nous demande encore de nous retirer. Au moment de l’installation du conseil municipal, on fait une proposition de rassemblement. Refusée. L’union ne se décrète pas. Elle se construit. Je le redis : là où il y a de la division, il y a Christian Proust. Ces vieux leaders qui ont régné sur Belfort et le Département doivent se retirer définitivement et aller écrire leurs mémoires. Il faut nous laisser travailler. Je propose à cette nouvelle génération de militants et d’élus, notamment aux plus jeunes arrivés récemment en politique, de faire preuve d’indépendance. 2026 va très vite arriver. S’ils veulent gagner, c’est aujourd’hui que cela va se construire.