Khala, 15 ans, s’agite furieuse dans son enclos du zoo de Mulhouse à la vue du fusil hypodermique qui va lui administrer une fléchette anesthésiante. Dans quelques minutes, la magnifique femelle de 35 kilos à la robe noire et or dormira les yeux ouverts sur une table d’opération, avec sept vétérinaires à son chevet, dont deux venus de Berlin dans le cadre d’un programme européen de protection. « Il s’agit d’une première mondiale », assure le vétérinaire Benoît Quintard, directeur du Parc zoologique et botanique de Mulhouse et référent du programme d’élevage européen de la panthère de l’Amour. Plus tôt dans la matinée, Khala s’est bien accouplée une nouvelle fois avec Baruto, 14 ans. Mais ces amours n’ont jusqu’à présent pas été couronnées de succès et les vétérinaires vont tenter d’aider la nature.
"Une chance sur deux"
Au tour de Khala de passer sur la table d’opération. Elle a d’abord droit à une échographie rectale afin d’examiner l’utérus. « Bonne nouvelle : elle a ovulé. Mauvaise nouvelle: il y a des kystes », révèle le professeur Hildebrandt. Cela signifie que même si un ovule est fécondé, il y a un risque qu’il ne parvienne pas à s’accrocher aux parois de l’utérus.
Le vétérinaire introduit néanmoins dans la vulve de l’animal une sonde reliée à une seringue dans laquelle se trouve le sperme du mâle. Il appuie tout doucement sur la gâchette pour expédier le liquide dans l’utérus. « Il faut être patient. Si on va trop vite, ça pourrait ressortir », explique sa collègue Susanne Holtze, qui estime à « environ une chance sur deux » la probabilité d’une grossesse – et donc d’une naissance trois mois plus tard.
Pour multiplier les chances de fécondation, il convient d’exciter Khala, comme si elle se trouvait en plein accouplement et qu’un mâle lui mordait la nuque. Le Dr Quintard se charge de lui masser vigoureusement le cou, sous les commentaires grivois de ses collègues. « Tu peux faire les bruits aussi ? » lui demande-t-on. Après une pesée, Khala retourne dans son enclos avant une ultime piqûre pour la réveiller.
Patrimoine génétique
La semence de Baruto n’a d’ailleurs pas été entièrement inséminée chez Khala: une partie sera conservée « pour que si jamais il se passe quoi que ce soit avec lui, on ait encore son pool génétique, potentiellement, pour de futures inséminations », explique le Dr Quintard. D’où « l’importance » des quelque 250 panthères de l’Amour en captivité dans le monde, au « patrimoine génétique bien plus important que celles encore présentes dans la nature ».