17 septembre 1981. Robert Badinter, garde des Sceaux du nouveau gouvernement socialiste, monte au perchoir. Il va soumettre au vote des députés l’abolition de la peine de mort. Et, alors, en citant Jean Jaurès, il clame : « La peine de mort est contraire à ce que l’humanité, depuis deux mille ans, a pensé de plus haut et rêvé de plus noble. Elle est contraire à la fois à l’esprit du christianisme et à l’esprit de la Révolution. » 363 personnes vote pour l’abolition et 127 contre. Le vote sera ensuite mené au Sénat. La peine de mort sera définitivement abolie le 9 octobre 1981 ; 45 ans plus tard, l’artisan de cette abolition est entré au Panthéon (revivez la cérémonie). C’était ce jeudi 9 octobre 2025. On a rendu hommage à l’homme « juste ». On a invoqué Victor Hugo, grande figure française abolitionniste.
Au perchoir, en 1981, Robert Badinter a lancé un discours qui deviendra historique. « Il n’a jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence ou l’absence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante », rappelle-t-il notamment. À l’époque, 62 % des Français y étaient pourtant favorables. Toutefois, ils ont aussi élu un président, François Mitterrand, qui avait inscrit dans son programme cette abolition. En France, la dernière exécution a eu lieu le 10 septembre 1977, à la prison des Baumettes, à Marseille. Hamida Djandoubi est le dernier condamné à mort exécuté.
L’abolition de la peine de mort est inscrite dans la Constitution depuis 2007, après un vote quasi unanime des parlementaires (828 pour, 26 contre), à l’initiative de Jacques Chirac.
10 000 personnes assistent à l’exécution à Belfort
À Belfort, la dernière exécution remonte à 1905. C’était encore une exécution publique. Il est 5 h 30, ce 6 octobre, lorsque le couperet tombe pour la dernière fois. Antonio Pozzi vient d’être exécuté. La guillotine a été montée dans la nuit précédant l’exécution, comme le voulait la règle ; elle avait été transportée par train depuis Paris. Elle a été installée sur la place occupée aujourd’hui par le square des Anciens Combattants d’Afrique du Nord.
Antonio Pozzi avait été condamné à mort pour avoir tué de deux coups de couteau Madame Pheulpin, buraliste à Chaux, dans la nuit du 14 au 15 décembre 1904. Il avait été arrêté à Bâle le 27 décembre et ramené à Belfort le 9 janvier 1905. La presse de l’époque constate la présence d’un foule « considérable » pour assister à l’exécution. On évoque un millier de soldats pour contenir un public estimé à 10 000 personnes. La précédente exécution dans le « département » datait de 1855, à Grosmagny. Dès le milieu de la nuit, la foule se pressait dans le centre de Belfort pour voir les bourreaux installer les bois de justice, l’un des nombreux surnoms de la guillotine. Son exécuteur n’est autre qu’Anatole Deibler, le bourreau officiel de la IIIe République. Il a participé à l’exécution de 395 personnes.
Le condamné a été réveillé à 4 h 30 ; on lui annonça que son recours en grâce avait été rejeté. La presse n’est pas avare de détails sur la préparation du condamné. Notamment qu’il dévore trois côtelettes, boit une bouteille de vin et avale trois verres de rhum. La foule hurle des « À mort Pozzi ! » lorsque le condamné se présente au site de l’exécution. Devant l’échafaud, il aurait déclaré : « M….à vous tous ! c’est tout ce que vous méritez ! » La peine de mort avait déjà failli être abolie en 1908. En 1906, 1907 et 1908, le président Fallières gracie systématiquement. Mais le sordide meurtre d’un enfant retourne la dynamique abolitionniste. En Franche-Comté, la dernière exécution date de 1957, à Besançon. En France, la dernière exécution publique date de 1939.
En 2024, selon Amnesty international, 1 518 personnes ont été exécutées par les autorités de 15 pays. L’Arabie saoudite, l’Irak et l’Iran sont à l’origine de l’augmentation mondiale des exécutions. Au total, ces trois pays ont exécuté un nombre effarant de 1 380 personnes. « Ces chiffres, en hausse, ne comprennent pas les milliers de personnes très probablement exécutées en Chine, ainsi qu’en Corée du Nord et au Viêt Nam. Ces pays recourent massivement à la peine de mort mais refusent de communiquer le moindre chiffre officiel », indique Amnesty international
Extrait du discours de Robert Badinter – 17 septembre 1981
« Il n’a jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence ou l’absence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante. Seule, pour la peine de mort, on invente l’idée que la peur de la mort retient l’homme dans ses passions extrêmes. Ce n’est pas exact. Ceux qui veulent une justice qui tuent. Ceux-là sont animés par une double conviction : la première est qu’il existe des hommes totalement coupables (…) ; et la deuxième c’est qu’il peut y avoir une justice sûre de son infaillibilité au point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir. Eh bien, arrivé à cet âge de ma vie, l’une et l’autre affirmation me paraissent également erronées. »