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Place du Local : à bout de souffle, Josselin Pradier baisse le rideau

Place du Local a été créée en 2015, pour rapprocher consommateurs et producteurs locaux.
Place du local, née en 2015, est en liquidation judiciaire et ferme définitivement cet été. | ©DR
Entretien

Après dix ans d’existence, l’entreprise Place du Local est en liquidation judiciaire. Mise à mal par les conséquences économiques de l’après-Covid, l’inflation et le désintérêt d’une partie de la population pour le circuit-court et le bio, l’entreprise n’a d’autres choix que de mettre la clé sous la porte. Rencontre.

Loéva Claverie

« Qu’est-ce que ça veut dire qu’une entreprise de dix ans comme Place du Local en vienne à fermer alors qu’elle a prouvé qu’il y avait un modèle qui était pérenne ? » Au téléphone, la voix de Josselin Pradier est découragée. Abattue. Son entreprise, Place du Local, âgée de presque dix ans, ferme. L’effondrement du marché bio et du circuit court, l’augmentation des charges ou encore la clientèle en baisse après le Covid, ont eu raison de son activité.

L’initiative était innovante et porteuse d’espoir. Josselin Pradier n’avait que 25 ans lorsque sont nées ses premières idées. « J’ai toujours aimé cuisiner, relate-t-il. Et à l’époque, il n’y avait rien pour consommer local. J’avais le choix entre passer des heures le week-end à faire le tour des fermes en consommant du carburant ou mettre à contre-cœur de l’argent dans les grandes enseignes. » Partant de ce constat en tant que consommateur, il ouvre alors Place du Local à Étupes en 2016, une plateforme pour faire le lien entre les producteurs bio et locaux et les consommateurs du coin, en livrant les produits à domicile ou en points relais.

Progressant de mois en mois et d’années en années, l’entreprise passe de 40 producteurs à 180 au plus fort de l’activité. Un deuxième site ouvre à Besançon en 2020. Quant au nombre de clients, il « explose » pendant le Covid. « L’ensemble de la population française s’est tournée vers le circuit court, explique Josselin Pradier. On était une solution résiliente car on n’était pas perturbé par les déséquilibres que vivait le commerce international. »

Les dégâts économiques de l’après-Covid

À une époque où il était devenu anxiogène de sortir dans les magasins et les lieux publics, Place du Local représentait pour les consommateurs la solution idéale. « On a quasiment triplé la production, se souvient Josselin Pradier. Les gens ont ouvert les yeux sur les avantages à utiliser les commerces de proximité. Les médias et les politiques parlaient de nous comme de la seconde ligne ; la première étant les personnels de santé. »

Mais l’engouement ne dure pas. Au deuxième semestre 2021, « tout le monde a déserté », souffle Josselin Pradier. C’est le retour dans les grandes surfaces. La chute est vertigineuse pour Place du Local : « Le chiffre d’affaires chute de 45 % entre 2021 et fin 2022. » Et l’entreprise doit en plus amortir les investissements engagés lors du Covid, pour faire face à une demande croissante forte : des salariés en CDI ; un agrandissement des locaux d’Etupes ; et un 3e site ouvert à Vesoul. « On s’est retrouvé avec des chiffres d’avant Covid, mais les charges avaient augmenté de plusieurs dizaines de pourcents. »

C’est le début d’une descente aux enfers. La tendance du marché ne s’inverse pas. Beaucoup d’entreprises de circuit court n’ont pas résisté à l’après-Covid, observe Josselin Pradier. « Notre ancienneté nous a fait tenir plus longtemps mais ça n’a fait que retarder l’échéance », regrette-il. L’inflation vient porter un coup de massue aux commerces locaux déjà fragilisés.

L’entrepreneur en veut d’ailleurs beaucoup aux grandes enseignes qui ont surfé sur cette vague et les peurs financières des consommateurs. « Ils font croire qu’on trouve chez eux les mêmes produits que chez les petits producteurs locaux ou que chez moi, mais moins chers, note Josselin Pradier, qui poursuit, amer : Ils ne font que parler du prix sans jamais parler de la qualité des produits qu’ils vendent à la population. » Il constate, par ailleurs, un autre effet pervers : « Les gens pensent que si même les grandes enseignes subissent l’inflation, alors c’est encore plus cher dans les magasins de proximité. »  C’est la double peine. 

« Clou dans le cercueil »

Tous les calculs démontraient pourtant le contraire. Selon Josselin Pradier, les prix de Place du local étaient globalement identiques aux grandes surfaces. Et ils étaient même « 15 à 20 % moins cher » pour les fruits et légumes bio de saison, assure-t-il. « Sur un panier de 60 euros, il y avait entre un et deux euros de différence avec la grande surface, et nos clients ne dépensaient ni de temps, ni de carburant. »

Pendant de longs mois, l’entreprise et les producteurs essayent de se serrer les coudes, adoptent des délais de paiement plus longs. Pour diminuer les frais, les deux sites d’Etupes et Vesoul déménagent en un seul, à Villersexel (Haute-Saône). Le nombre de salariés et de camions est réduit. Mais les problèmes continuent. Le coût des matières premières – carburant, sacs, électricité, locations des camions – devient exorbitant. Les ponts de mai 2025 engendrent une perte de 30% par rapport à février/mars. Et les nombreux vols subis sur les camions depuis le déménagement, représentant 12 000 euros de préjudices, mettent « le premier clou dans le cercueil ». Les dettes auprès des producteurs s’accumulent et certains se désengagent.  

Dans le haut-parleur du téléphone, la résignation de Josselin Pradier envahit toute la pièce. Il a tout tenté : démarchage des banques, des partenaires financiers, des collectivités… « J’ai même évoqué lors de certains rendez-vous que je leur laissais l’entreprise si ça pouvait permettre de préserver les emplois et de ne pas mettre à mal les producteurs », confie-t-il, la voix presque brisée. Jusqu’à la soirée du vendredi 20 juin, où il décide de ne pas ouvrir le site le lendemain. « Il y a des ardoises qu’on ne peut plus relever », explique-t-il devant le tribunal de commerce de Vesoul lorsqu’il vient déposer le dossier de liquidation judiciaire.

« Sur toutes les années cumulées, ce sont 8,5 millions d’euros de chiffres d’affaires hors taxe qui ont circulé dans l’économie locale. »
Josselin Pradier

Indifférence générale

Un mois après, la procédure judiciaire suit son cours. Josselin Pradier est « dégouté » de voir son projet de dix ans s’arrêter, en laissant dettes, salariés et clientèle de confiance derrière lui. « C’était un projet avec un bénéfice réel sur l’économie locale, l’environnement, le maintien des commerces de proximité et la cohésion territoriale. On proposait un système de consommation simple, logique, économique et écologique. Sur toutes les années cumulées, ce sont 8,5 millions d’euros de chiffres d’affaires hors taxe qui ont circulé dans l’économie locale. »

En pleine mobilisation contre le Loi Duplomb, dont la pétition a atteint les deux millions de signatures, les discours sur le bio le font d’autant plus rire jaune. « Fin juin/début juillet, je suis encore tombé sur des discussions sur les circuits-courts et de comment valoriser les producteurs locaux. Tous faisaient le constat que c’était la logistique et la commercialisation qui pêchaient, car il y a plein de producteurs et une clientèle demandeuse. Mais c’est le lien entre les deux qui est compliqué. » 

D’ajouter, acerbe : « Le lien a été là pendant dix ans, il s’appelait Place du Local, il s’est manifesté plusieurs fois et il ferme dans l’indifférence générale. »

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