Loéva Claverie
Les comptes sont dans le rouge. À Belfort, mais aussi partout en France. Cette semaine, les Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) sonnent l’alerte sur leur situation économique délétère. La fédération nationale des CIDFF a voté, le 18 juin dernier, pour une mobilisation des 98 établissements répartis sur le territoire. La semaine du 23 juin a été choisie, sous le titre de « semaine noire pour les droits des femmes ».
À Belfort, le CIDFF 90 a choisi de fermer ses portes au public du lundi 23 au vendredi 27 juin pour alerter sur leur situation économique, mise à mal à cause du retard de versement des subventions de l’Etat. Accrochée aux fenêtres, un drap blanc peint du slogan « Subventions non versées, CIDFF en danger » claque dans le vent. Depuis la création, il y a cinquante ans, du premier établissement, jamais pareille situation n’avait été rencontrée. « C’est une crise inédite », affirme Siham Djemah, juriste et co-coordinatrice au CIDFF 90.
Deux enjeux majeurs sont pointés du doigt : l’absence de versement des crédits 2025 et la non-compensation de la prime Ségur.
40 000 euros de surcoût
« Nous aurions dû percevoir les subventions de l’Etat entre fin avril et début mai, explique Siham Djemah. Mais à cause de la dissolution et de l’approbation tardive du Projet de loi de finances 2025, les versements ont pris du retard et nous n’avons toujours rien reçu. » Les membres du CIDFF 90 ont beau alerter depuis janvier, leurs économies continuent de s’effriter. « Nous avions déjà été placés en redressement judiciaire en 2020, précise Siham Djemah. De ce fait, nous avons un plan de redressement sur dix ans pour rembourser, en plus de toutes nos charges. »
Créés en 1970 à l’initiative de l’Etat, les CIDFF dépendent majoritairement des financements qui leur sont versés. Fondé en 1982, le centre de Belfort reçoit des subventions de la Région, du Département et de la Ville, mais 22% de ses charges globales sont financées par les aides étatiques. La rémunération du personnel et les charges sociales représentent 80% de ces charges globales.
Depuis 2024, un surcoût est venu s’ajouter aux dépenses : le versement de la prime Ségur. Adoptée le 6 août 2024 avec application immédiate, cette prime mensuelle de 248 euros bruts est à destination de tous les professionnels du médico-social. Petit couac : aucune compensation n’est prévue pour l’employeur. Pour le CIDFF 90, cela représente un trou « de 40 000 euros sur une année ».

Une remise en cause des droits des femmes
Mercredi 25 juin, la Fédération nationale a reçu un courrier du bureau de la ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, leur assurant que les subventions seront versées d’ici quinze jours. Le courrier indique également qu’une compensation à la prime Ségur sera versée pour l’année 2025, sans en préciser cependant le montant. Quant aux primes versées en 2024, elles ne seront pas compensées. « C’est une perte de temps et d’énergie de demander des subventions au gouvernement, regrette Siham Djemah. C’est du temps qui n’est pas consacré aux femmes. Et le problème est aussi que nous avons aucune certitude que cette compensation sera versée en 2026. »
À l’échelle nationale, les conséquences se font déjà ressentir. Trente postes ont été supprimés, et « ce seront 70 postes supprimés si la situation continue », s’alarme Siham Djemah. À Belfort, la première crainte est de devoir fermer les permanences juridiques du centre. Au nombre de treize, elles permettent de prodiguer des informations juridiques gratuites au public, des conseils et des accompagnements.
« Ce sont les femmes qui vont être impactées en premier, s’alarme Siham Djemah. Nous sommes le premier réseau d’accès aux droits pour les femmes et fermer un CIDFF serait remettre en cause tous les acquis sur leurs droits depuis plusieurs années. » L’activité du centre en 2024, ce sont plus de 2 600 demandes d’aide prises en charge par le CIDFF 90 ; plus de 900 entretiens juridiques réalisés, dont 67% pour des femmes victimes de violences conjugales ; et 56 femmes accompagnées dans le cadre des Violences Intrafamiliales.
Sursis jusqu’à fin juillet
Toute de noir vêtue, en cette « semaine noire pour les droits des femmes », Siham Djemah dénonce un discours « paradoxal » de la part de l’Etat. « Il a été dit que les droits des femmes seraient la grande cause nationale de ce quinquennat, mais cette situation prouve le contraire. » Pour elle, cette absence d’actions « est une remise en cause des droits des femmes ».
Car si les subventions ne sont pas versées d’ici fin juillet, le centre ne pourra plus rémunérer ses six salariés et de là, l’établissement sera en cessation de paiement puis placé en liquidation judiciaire. Soit une fermeture totale. Alors en attendant, les équipes du CIDFF 90 retiennent leur souffle.
Récompense pour le violentomètre
Ce jeudi 26 juin, une remise de chèques a eu lieu dans les locaux du centre. Le club InnerWheel a fait un don de 1 102,80 euros au centre pour financer son action autour du violentomètre. Conçu pour expliquer les différents types de violences et reposer un cadre à la notion de consentement, cet outil est développé depuis l’année dernière par les membres du CIDFF 90 auprès des lycéens. Il sera également mis prochainement en avant lors du festival des Eurockéennes.