Loéva Claverie
Casquette, lunettes de soleil, t-shirt floqué « Les défis d’Armand »… Impossible de ne pas repérer Armand Thoinet à son arrivée devant le Lion de Belfort. Lundi 23 juin, il avait donné rendez-vous, à ceux voulant le soutenir, à 17h devant le parking de l’Arsenal. Sac de randonnée sur le dos, il arrive, ponctuel, sous un soleil de plomb. L’aventurier de 32 ans a entamé ce jour-ci un voyage à pied de 1 500 kilomètres, pour relier Delle à Andorre.
« Je ne peux pas attendre d’être guéri pour commencer à vivre. » C’est sur cette philosophie que depuis dix ans, Armand Thoinet se lance des défis pour parler de la différence et du handicap. Tour de Corse en pédalo, atteinte du 80e parallèle nord en kayak, traversée de la France en tandem… Ses aventures sont nombreuses et impressionnantes d’originalité. « Pendant très longtemps, on m’a dit que je ne pourrais pas être comme tout le monde. Moi, je me suis dit : je n’ai plus qu’à faire des choses que les autres ne font pas. »
Changer de chemin pour s’épanouir
Aux prémices de ses parcours sportifs, il y a d’abord eu un parcours médical. Une longue errance de cinq ans avant que le diagnostic de sclérose en plaques soit posé, en 2012. Trois ans plus tard, Armand Thoinet démarre sa première aventure… et ne s’arrête plus. « La maladie, le handicap, me permet de vivre une vie que jamais je n’aurais eu. Je me suis construit, j’ai trouvé un moyen différent pour m’épanouir et je ne sais pas si je serais heureux aujourd’hui sans mon handicap. »
Pour fêter ses dix ans d’aventures, il a cherché pendant longtemps un projet qui fasse sens pour lui ; et qui ensuite, puisse parler à tout le monde. Son parcours de Delle à Andorre n’a pas été tracé au hasard : il suit la ligne de partage des eaux. Dans le sens Nord-Sud, les eaux à gauche de la ligne vont en Méditerranée, les eaux à droite vont dans l’Atlantique. « C’est pour faire le parallèle avec les chemins de vie, explique Armand Thoinet. À un demi-millimètre près, la goutte d’eau finit à un endroit où elle est complètement à l’opposé. Et c’est comme pour l’être humain. Il fait un choix qui peut paraître minime, mais ça peut l’amener à une destinée ou à une autre. »
Dans cet océan d’incertitudes que peut apporter une maladie, Armand Thoinet a choisi de faire de son handicap une goutte d’eau, « une bifurcation ». « Le but, c’est d’avancer avec ce qu’on a. Au début je me sentais très seul, parce que je voulais vivre comme avant, relate-il. Et on nous dit qu’avec le handicap, notre vie est terminée. Ça n’aide pas. On devrait plutôt nous dire que c’est le début d’un nouveau chapitre. » À chacun alors de trouver son chemin. « Quand on fait un choix, le meilleur moyen que ce soit le bon, c’est de l’assumer complètement. »
Un parcours entre solitude et rencontres
Le jeune homme voyage souvent seul pour ses aventures. Une solitude choisie, contrairement à celle des périodes à l’hôpital. Il ne se ferme pas pour autant la porte aux rencontres. Pendant ses deux mois de marche, il a prévu de dormir au moins une fois par semaine chez l’habitant. Pour le reste, il se laissera porter par le courant, avec du bivouac en tente, et peut-être une nuit en camping par semaine. Quant à la restauration et l’approvisionnement en eau, il repère les points où il pourra se ravitailler, en prévoyant ses journées un à deux jours à l’avance.
En ce premier jour de voyage, lundi 23 juin, sa performance impressionne déjà les quelques personnes venues à sa rencontre : 28 kilomètres à pied depuis Delle, alors que le mercure s’affole depuis plusieurs jours. Pour atteindre Andorre entre fin août et début septembre, il s’est fixé un objectif de 25 km par jour en moyenne ; 10 km quand il souhaitera se reposer.
La maladie ne fait pas de pause. Armand Thoinet non plus. Une autre aventure est déjà au programme pour la fin du mois de septembre. Pour fêter les dix ans d’aventure de son ami avec qui il a fait le tour de Corse en pédalo, les deux hommes ont été sollicité par la ville de Saint-Quentin-Fallavier pour parler du patrimoine culturel. Au programme : cheval, vélo, kayak, course à pied. Novice en équitation, Armand Thoinet n’a pas fini de se lancer de nouveaux défis. Pour continuer d’avancer.