Loéva Claverie
L’opposition à la réforme des retraites est toujours active. Dans une ambiance joyeuse et bon enfant, un cortège d’environ 115 personnes a défilé dans les rues de Montbéliard, selon les estimations de la police et de la CGT. Quatre poubelles ouvraient la marche. Aux manœuvres de l’une d’entre elles, Martine Guyot, lunettes de soleil sur le nez, s’estime fière de « continuer à se battre ». Le nombre de participants n’est en rien comparable aux importantes mobilisations d’il y a deux ans, mais les syndicats refusent de déclarer forfait (lire nos articles).
Dans le cortège, cependant, les esprits ont du mal à rester positifs. « S’il y a si peu de monde, c’est que les gens ont maintenant l’impression qu’on a perdu. Je suis aussi un peu dans ce cas-là, admet Martine Guyot. Mais il ne faut surtout pas lâcher. » Pour Driss Amghar, technicien de Castmetal, le climat politique actuel n’aide pas non plus. « Quand on voit aussi tout ce qu’est la politique en ce moment, tout le monde en a marre en fin de compte, ça décourage. Le seul espoir que j’ai, c’est quand on changera de politiques. »
Perchée à l’arrière du camion de la CGT, micro à la main, Aurore Boussard tente de motiver la petite troupe : « Même si nous ne sommes pas des milliers, notre engagement compte beaucoup et notre détermination est intacte. » Persuadée qu’il n’est jamais trop tard, la membre de l’union locale CGT du Pays de Montbéliard rappelle que « par le passé, des lois n’ont pas été votées grâce à une forte mobilisation ». « Même si on n’est pas nombreux, on sait que la majorité de la population est contre. On est là aujourd’hui pour lui dire qu’il ne faut rien attendre du gouvernement, c’est la mobilisation qui fera que cette réforme sera retirée. »
Une opposition sociétale et parlementaire
Quelques heures auparavant, les députés de l’Assemblée nationale ont approuvé une résolution en faveur de l’abrogation de la réforme des retraites, dont le très controversé report de l’âge légal de départ à 64 ans. Uniquement symbolique, ce vote a tout de même réuni 198 voix en sa faveur. Trente-cinq députés ont voté contre l’abrogation.
À Montbéliard, cette nouvelle a fait sourire les participants avant le départ de la manifestation. « On croyait que la démocratie était l’expression de la volonté populaire, s’indigne Bruno Lemerle, retraité de 70 ans. Si celle-ci s’exprime dans la rue, dans les organisations syndicales et même à l’Assemblée nationale, il n’y a pas de raisons qu’on ne revienne pas sur cette réforme. »
Les syndicats ont pour cela une liste précise de leurs revendications : augmenter les salaires et cotisations sociales ; supprimer les exonérations patronales et augmenter les cotisations patronales ; rattraper l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ces mesures permettraient « de financer la retraite comme nous la voyons, par solidarité et non par capitalisme, estime Aurore Boussard. Car le gouvernement veut faire 40 milliards d’économies sur le dos des services publics et de la protection sociale et les réinjecter ensuite dans l’armement. »
“La réforme des retraites n’est pas recyclable”
Ce jeudi après-midi, l’Union Locale CGT du Pays de Montbéliard a également demandé le retour de l’âge légal de 62 ans, pour aller progressivement ensuite vers 60 ans.
Le travail use et les dégâts engendrés par ces deux ans de travail supplémentaires inquiètent chaque personne présente. « Quand j’ai pris ma retraite, c’était déjà 62 ans, j’ai mis quasiment deux ans à me remettre avant de pouvoir me considérer en retraite tellement j’étais fatiguée, témoigne Martine Guyot. J’étais dans une espèce de burn-out. »
Pour Bruno Lemerle, « repousser le départ en retraite de 62 à 64 ans, c’est imposer aux salariés les deux années les pires pour enlever les deux années de retraite les meilleures ». Ayant travaillé depuis ses 14 ans, cet ancien salarié de la Peug’ à Sochaux a pu prendre sa retraite à 58 ans. De ce fait, il s’estime d’autant plus légitime pour s’exprimer sur l’âge de départ à 60 ans. « Parce que je suis en retraite, je peux justement témoigner que les plus belles années de retraite sont les premières, parce que c’est le moment où on n’a pas encore les gros soucis de santé. »
À mi-chemin du parcours, la manifestation s’est arrêtée devant la permanence du député Matthieu Bloch (UDR), qui a voté en faveur de la réforme des retraites en 2022. Froissés, déchirés, des petits papiers contenant la mention « 64 ans ? Non merci ! » ont symboliquement été jetés dans la seule poubelle au couvercle vert, sur les quatre poussées en tête du cortège. « On vote dans la poubelle verte parce que la réforme des retraites n’est pas recyclable ! » Lancé ensuite devant la fenêtre de la permanence parlementaire, le sac a interpellé le député Bloch et son équipe présents à l’intérieur. Sorti dans la rue au-devant des manifestants, il a proposé de discuter avec deux d’entre eux. Ce à quoi les manifestants ont répondu qu’il connaissait déjà leurs revendications et qu’eux connaissaient sa position.