(AFP)
« Le Président de la République envisage, sur proposition du Premier ministre, de nommer M. Bernard Fontana en qualité de président-directeur général d’Électricité de France », a indiqué la présidence. Cette nomination doit encore être approuvée par les commissions intéressées à l’Assemblée et au Sénat. Elle pourrait intervenir sans attendre le terme du mandat d’administrateur de Luc Rémont.
Bernard Fontana, choisi par l’exécutif pour prendre la tête d’EDF et succéder à son PDG sortant, a l’avantage de bien connaître l’énergéticien et le nucléaire, mais également les clients du groupe, engagés depuis des mois dans d’intenses négociations commerciales pour la fourniture d’énergie. La chimie, le béton, l’acier: autant de secteurs gourmands en énergie et que M. Fontana connaît bien, puisqu’il en a dirigé quelques fleurons, au cours d’une riche carrière de capitaine d’industrie.
Polytechnicien, également diplômé de l’école d’ingénieurs Ensta, Bernard Fontana, 64 ans, né à Tamatave (Madagascar), a débuté sa carrière en 1987 à la société nationale des poudres et explosifs (SNPE), spécialisée dans la propulsion d’engins balistiques civils et militaires, où il a gravi de nombreux échelons, jusqu’à en devenir le directeur général adjoint chargé de la chimie. Il a ensuite rejoint de 2004 à 2012 l’aciériste ArcelorMittal, dont il a notamment dirigé les ressources humaines, avant de prendre la direction générale du cimentier suisse Holcim, où il a oeuvré à la fusion avec le français Lafarge.
Un expert du nucléaire
Tout au long de sa carrière, M. Fontana a donc travaillé dans des secteurs aujourd’hui confrontés en France et en Europe à une crise terrible, dont la compétitivité est hautement tributaire des prix de l’électricité, d’autant qu’ils sont souvent soumis à une concurrence acharnée des Etats-Unis et de la Chine. Mais M. Fontana est également un très bon connaisseur du nucléaire: depuis 2015, il est devenu un acteur central de la filière française de l’atome.
À la tête de Framatome, filiale d’EDF qui conçoit et met en service les réacteurs nucléaires, il a également pris la direction du pôle « Industrie et Services » d’EDF, en mars 2024, lors de la réorganisation des activités nucléaires du groupe. Après avoir contribué au redressement de Framatome, en grave difficulté financière après l’échec de certains investissements et à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima, M. Fontana est ainsi devenu un des hommes clés de l’énergéticien détenu à 100% par l’État, dans le cadre d’une réorganisation pensée pour améliorer la performance industrielle du groupe, dans un contexte de relance de l’atome.
« Pas une sanction »
Le non-renouvellement du mandat de Luc Rémont intervient quelques jours après un conseil de politique nucléaire, réuni lundi par Emmanuel Macron qui avait donné lieu à un coup de pression sur EDF sur le sujet de la « maîtrise des coûts et du calendrier » du programme nucléaire, un chantier pharaonique sur des dizaines d’années. Le conseil de politique nucléaire a notamment demandé à EDF « de présenter d’ici la fin de l’année un chiffrage engageant, en coûts et en délais », et ce, afin d’éviter la répétition d’un scénario à la Flamanville, le chantier de l’EPR normand émaillé de dérapages de coûts et de calendrier.
La décision d’écarter l’actuel PDG d’EDF Luc Rémont n’est « pas » une « sanction », mais traduit la volonté de l’Etat de choisir « un profil industriel spécialiste du nucléaire », en la personne de Bernard Fontana, patron de Framatome, pour conduire le programme de construction de réacteurs, a indiqué vendredi une source gouvernementale.
« On n’est pas sur une sanction. On est sur le fait de chercher un profil qui nous semble plus adapté à la phase actuelle », « très industrielle et très tournée sur le nouveau nucléaire », a indiqué cette source auprès de journalistes, après que l’Elysée a annoncé vouloir nommer à la tête d’EDF le directeur général du fabricant de combustibles et d’équipements nucléaires Framatome en poste depuis 2015.
Dès son arrivée à la tête de l’électricien, Luc Rémont s’est employé avec force à défendre les intérêts de l’entreprise repassée à 100% sous le giron de l’État, pour qu’elle redevienne rentable afin de dégager les ressources nécessaires à la relance du nucléaire. Depuis plus d’un an, ses relations avec ses plus gros clients, les industriels français, se sont très fortement dégradées. Critiqué pour des prix de l’électricité jugés trop élevés, il s’est aussi attiré les foudres de l’État soucieux d’éviter une désindustrialisation.