« Richesse. » « Chance. » C’est par ces mots que Sandrine Janiaud-Larcher, maire de Delle, a qualifié l’immigration. Et résumé aussi sa philosophie. La cité du Sud Territoire a signé avec la préfecture du Territoire de Belfort, ce vendredi 25 octobre, un contrat d’accueil territorial et d’intégration ; c’est la première cité à le faire dans le département. Le dispositif existe depuis 2019 et vise à « favoriser l’intégration des personnes primo-arrivantes en situation régulière, dont les réfugiés, résidant sur leur territoire », indique la direction générale des étrangers en France, service rattaché au ministère de l’Intérieur.
L’industrielle Delle s’est construite « au fur et à mesure des migrations », observe l’édile. Des migrations venues d’abord d’Italie, d’Espagne, du Portugal, puis du Maghreb et maintenant de contrées plus lointaines comme l’Afghanistan, le Pakistan, l’Afrique sub-saharienne ou la Syrie liste-t-elle. « Cette logique d’accueil se poursuit et est toujours présente dans notre commune », insiste Sandrine Janiaud-Larcher, pour souligner l’identité de cette cité frontalière. Delle « est une France en miniature en matière migratoire », convient Raphaël Sodini, préfet du Territoire de Belfort, rappelant que la France s’est construite « dans des vagues d’immigration successives ».
Delle accueille notamment le foyer Adoma, un centre d’accueil de demandeurs d’asile, disposant de 134 places ; dans le Territoire de Belfort, l’association dispose de 404 places d’hébergement dans différents dispositifs liés à l’accueil des étrangers. Delle accueille également une trentaine de personnes ayant signé avec l’État un contrat d’intégration républicaine ; on compte plus de 300 signataires de ce contrat dans le Territoire de Belfort.
« L’important, c’est qu’on accueille bien »
Sandrine Janiaud-Larcher est prête à accueillir. Elle veut surtout que cette intégration se fasse dans des conditions « dignes ». Une posture qui a trouvé écho auprès de la préfecture du Territoire de Belfort. « La question » n’est pas de savoir s’il y a « trop » ou « pas assez » d’immigration, a formulé Raphaël Sodini. « L’important, c’est qu’on accueille bien », a-t-il souligné. La maire a ainsi salué le tissu associatif « dense » et « riche », qui contribue à cette intégration, en proposant par exemple des cours de français, à l’instar du comité de quartier de La Voinaie. En signant ce contrat, d’un an renouvelable, la cité se dote de moyens financiers et techniques supplémentaires. Elle bénéficiera notamment d’une enveloppe de 20 000 euros qui doit permettre de faciliter l’accès ou le maintien dans un logement, d’apprendre le français, notamment à visée professionnelle.
« C’est un plus pour nos publics », complimente Anne-Sophie Ligier, directrice hébergement d’Adoma, dans le Territoire de Belfort. Elle mesure l’importance du tissu associatif dans l’accueil et l’intégration, qui propose notamment des activités « occupationnelles » aux demandeurs d’asile, qui ne peuvent pas travailler pendant l’instruction du dossier, parfois très longue. Cet accueil permet ainsi de « s’approprier les us et coutumes » du pays. « Avec tout cela, ils pourront être plus enclins à s’installer [dans le territoire] », observe la travailleuse sociale.
« Avec les collectivités »
« Il faut que l’on donne un peu de moyens et un peu de méthode pour faire encore mieux », convient le préfet, qui insiste sur l’importance de renforcer le volet linguistique. « On ne peut pas s’intégrer sans maîtriser le français », appuie-t-il. Mais il va plus loin. Il invite à mener l’insertion professionnelle et l’acquisition du français de concert. Et il veut l’expérimenter localement, observant que toutes les phases d’immigration et d’intégration en France se sont faites « par le travail ». Raphaël Sodini insiste sur la nécessité de créer des liens avec la population, « pour éviter de s’enfermer dans sa communauté ». À cet égard, les associations jouent un rôle fondamental. « Ce contrat vise à associer les maires aux politiques d’intégration, explique Raphaël Sodini, qui l’a déjà mis en place, lors d’une précédente affectation, dans les Yvelines. Nous avons besoin de nous appuyer sur eux. Ils ont le lien avec les associations. » Le préfet du Territoire de Belfort maîtrise bien le dossier des questions migratoires ; il a été conseillé immigration du ministre de l’Intérieur pendant plus de trois ans, pendant la présidence de François Hollande, ainsi que directeur de l’asile à la direction générale des étrangers en France.
« Nous sommes le plus vieux pays d’immigration d’Europe, replace-t-il également. Et nous sommes le seul pays d’Europe avec plus d’enfants d’immigrés que d’immigrés. » À l’échelle européenne, l’immigration en France est « plus modérée », remarque-t-il ; selon l’Insee, la France compte 7,7 % d’étrangers dans sa population, un taux qui est de 8,4 % à l’échelle de l’Europe des 27. Le préfet d’ajouter : « Nous avons l’expérience qu’il faut veiller à bien intégrer dès qu’ils arrivent. » Cette intégration dès l’arrivée en France se fait bien, dès qu’elle est menée « avec les collectivités », insiste encore Raphaël Sodini.
« Arrêtons de penser l’immigration que depuis le prisme des problèmes », a répété Sandrine Janiaud-Larcher. Elle a replacé plusieurs fois « la chance » que l’immigration représente, « la richesse » qu’elle incarne, notamment pour de nombreuses entreprises manifestant un besoin récurrent de recruter, en particulier dans le Sud Territoire, marqué par la concurrence avec la Suisse. « Nous avons cette chance d’avoir cette histoire qui a construit notre territoire », observe encore Sandrine Janiaud-Larcher. Aujourd’hui, elle en écrit une nouvelle page.