Son histoire, c’est d’abord celle d’une mère, Emilia. Et d’un père, Antonio de Sousa. Leurs vies ont été marquées par les années tumultueuses du Portugal de Salazar, une époque où la dictature étouffait le pays et envoyait les jeunes hommes combattre dans des guerres coloniales en Afrique. Antonio de Sousa n’y échappe pas. Après six ans de service militaire en Nouvelle-Guinée, il quitte le Portugal en 1967 pour la France, laissant derrière lui sa jeune épouse, Emilia, et leur fille d’un an, Marie-José. Installé dans le nord de la France, à Cambrai, Antonio est maçon. Douze mois plus tard, sa femme et sa fille le rejoignent. Un soir de novembre 1968, Antonio de Sousa, meurt dans un accident de moto, laissant Emilia, enceinte de quatre mois, seule avec une fillette de deux ans à charge. Cette tragédie frappe la famille, alors qu’elle tente de reconstruire leur vie en France. Emilia, à 21 ans, se retrouve veuve et sans ressources. Pourtant, contre les avis qui lui sont donnés d’avorter ou de retourner au Portugal, elle décide de se battre. « Si j’ai à manger, il y aura aussi à manger pour mon fils », raconte ce jeudi 17 octobre ce même fils, Antonio Mendes, timidement, devant une assemblée attentive.
Ses mains tremblent un peu. Mais il raconte son histoire d’un ton ferme. Sa naissance, en mars 1969. L’arrivée de son beau-père qui, lui aussi, se prénomme Antonio. L’amour qu’il lui portera, malgré une relation difficile. L’arrivée à Étupes, en 1976. Il évoque cette transition radicale, entre une petite maison dans le nord, à une grande tour d’immeuble de quinze étages. Les mois d’été au Portugal, chaque année, en Opel Cadet orange.
Il retrace un parcours scolaire compliqué. Deux années de retard. Dans ses confidences au Trois, il raconte s’être fait viré du lycée. Au grand désespoir de sa grande sœur, toujours première de la classe, aujourd’hui professeure de français. C’était avant la révélation ; des études en comptabilité qui lui permettent d’avoir de bonnes notes partout et de s’épanouir, enfin.
Des débuts compliqués dans l’immobilier
Pour gagner un peu d’argent de poche, il aide les personnes âgées. Nettoie les moules chez Ecia. Soude à la chaine à Peugeot. Devient livreur-magasinier, puis vendeur à Darty, où il rameutera tous ses copains du foot pour y travailler. Et puis, un ami lui parle d’immobilier. Il s’y met à son compte, comme agent commercial, à l’âge de 22 ans. « Je ne vous cache pas que je ne roulais pas sur l’or; je me suis mis dans une situation financière très difficile », raconte-t-il. Il quitte l’immobilier, pendant la crise du Golfe, pour un poste de commercial dans un autre domaine, à contrecœur.
Et un jour, un ancien patron lui propose de racheter une agence immobilière. « Ma famille et un ami m’ont aidé à réunir 50 000 francs ». Il vend sa voiture. Emprunte 300 000 francs de plus. Et se lance en 1995. Ce sont les débuts d’Alliance Transaction Immobilière. Petit à petit, le groupe se dote d’un service de gestion, de syndic, puis d’un service de courtage financier et d’assurance de prêt.
2007. Nouvelle crise, celle des subprimes. « Il faut passer à la caisse ou déposer le bilan », se remémore-t-il. « J’ai choisi la première solution. Tous les capitaux que j’avais gagnés auparavant serviront à rembourser les lignes de crédit pour pouvoir continuer d’exister. Je suis reparti à nu et endetté. » Quinze ans plus tard, le pari a été payant. Le groupe est toujours là. 1 700 lots, 800 propriétaires en gestion. Passionné par le développement de sa région, il a participé à la création du journal indépendant “Le Trois.info”, dont il est associé, et a contribué au sauvetage du club de football FC Sochaux. « Je voulais devenir acteur de ma vie, mais aussi de ma région, du lieu où mes parents ont décidé de vivre et d’installer notre famille il y a cinquante ans », poursuit-il. Fin du speech. Sans oublier de remercier sa maman, qui lui a « appris la rage pour tenir dans les difficultés de la vie ».
Note aux lecteurs : nous tenons à vous préciser qu’Antonio Mendes est l’actionnaire majoritaire de l’entreprise éditant Letrois.info. Ce choix d’article relève uniquement de la rédaction et non pas de son actionnariat, dans le cadre de la couverture du B-fort.