En haut d’un immeuble, à Montbéliard, se trouve l’une des permanences de France Victimes. Un homme, visiblement pressé, entre pour demander des informations. Il est reçu par une secrétaire, qui lui adresse un large sourire rassurant. Dans ses bureaux séparés par un long couloir, chaque semaine, sont accompagnés des individus qui s’estiment victimes d’une atteinte à leur personne, ou à leur bien.
Dans le nord Franche-Comté, elle est dirigée par Romain Bonnot, juriste de métier. « L’association est généraliste et universaliste. Elle s’adresse à tout le monde. Nous nous sommes notamment occupés de personnes victimes d’accident collectif ou d’attentats, comme ceux de Nice. Je me suis d’ailleurs battu pour que les personnes puissent être sur la liste unique des victimes », se souvient le directeur.
Il y a encore vingt ans, l’association n’avait pas le même poids. Ni le même regard. Ce monsieur est arrivé en 2004 dans l’association. « Ce sont des magistrats qui m’ont demandé de développer l’association », se remémore-t-il. Il l’a repris, avec un seul juriste. Petit à petit, il travaille avec plus grand. La cour d’appel de Haute-Saône, dès 2013. Puis bientôt, tous les tribunaux du nord Franche-Comté. Ce sont les procureurs qui envoient les victimes vers l’association.
Désormais, ils sont 15 dans l’association. Juristes, psy, intervenante sociale en gendarmerie, Chargée de mission de la prévention de la radicalisation… Avec un but : accompagner, tout au long d’une procédure, une victime.
Cela passe, pour commencer, par de l’écoute. Pour évaluer avec les victimes une situation et en estimer les répercussions sociales, administratives, psychologiques et judiciaires. Par un travail d’information, ensuite. Sur le droit lors d’un dépôt de plainte, sur une indemnisation ; comment les faire valoir. Sur les procédures qui existent et auxquelles les victimes peuvent être confrontées : expertise médicale, recouvrement de dommages et intérêts.
« Beaucoup de personnes méconnaissent l’univers judiciaire », explique Romain Bonnot. « Alors on rassure et on explique : notamment sur ce qui peut se passer après la plainte ; des soins, des stages. » L’association les accompagne vers des psychologues dédiés, des groupes de paroles. Des avocats, thérapeutes, services sociaux. En bref, tout un réseau.
Une association parajudiciaire
« C’est Robert Badinter, dans les années 70, qui a redonné sa place aux victimes dans les procès », poursuit Romain Bonnot. C’est ainsi que sont nés en France les associations d’aides aux victimes. Pour le président, la ligne de France Victimes est celle-ci : que la victime puisse retrouver sa place dans le cadre du procès. « Ce qui n’était pas le cas avant. »
Le meilleur exemple, selon lui, de cette avancée, est la mise en place des EVVI ; les évaluations des besoins des victimes. Un processus important, en amont du procès, à la demande du parquet. Dans le nord Franche-Comté, France Victimes s’occupe de ces évaluations. « Cela nous confère une portée parajudiciaire », convient le directeur.
Une responsabilité importante pour l’association. Mais pas la seule. Les tribunaux leur ont aussi confié la responsabilité de plusieurs dispositifs importants, tels que la mise en place de bracelet anti-rapprochement, de l’équipement aux victimes de téléphones grave danger (TGD), qui permettent d’être reliée à une plateforme 7 jours sur 7 et 24h sur 24.
Contribution citoyenne
Depuis 2021, le tribunal judiciaire de Belfort a mis en place plusieurs alternatives aux poursuites, dont des amendes, nommées « Contribution citoyenne » qui sont versées à France Victimes (lire ici). Cette mise en place a permis d’engranger des fonds nouveaux pour l’association. En Haute-Saône, ces fonds permettent de payer les honoraires pour des séances avec les psychologues pour les victimes. « Le Territoire est vaste. Il était difficile pour les victimes de se rendre à nos permanences parfois. Avec ce système, les victimes peuvent, avec des bons de consultation, consulter près de chez elles. »
À Belfort, cela a permis de mettre en place un appel à projet sur la protection judiciaire des jeunes. Trois groupes de paroles sont nés pour apprendre à reprendre confiance en soi. Des groupes de paroles faits pour permettre aux victimes « de redevenir des sujets de droit, au-delà de la violence subie », expose Romain Bonnot.
Aujourd’hui, l’association veut aller plus loin. Notamment en aidant les plus jeunes. Sur ses visites totales, seules 8,5% d’entre elles concernent les enfants et les jeunes. Le président aimerait mettre en place de nouveau partenariat, notamment avec l’Education nationale, pour prévenir le harcèlement scolaire. Elle veut également que plus de monde sache la trouver en cas de besoin.
« On est un service très peu connu. Nous ne sommes pas grand public. Nous devons mener des réflexions là-dessus », concède le directeur. Sa volonté : « Faire en sorte que les gens nous connaissent, pour qu’ils puissent venir vers nous, en cas de problèmes. »