L’association La Halte, hébergée dans des locaux de la maison d’arrêt de Belfort, accueille les familles et les proches des détenus avant ou après une séance au parloir. Un espace pour évacuer la pression, prendre une pause ou se confier.
L’association La Halte, hébergée dans des locaux de la maison d’arrêt de Belfort, accueille les familles et les proches des détenus avant ou après une séance au parloir. Un espace pour évacuer la pression, prendre une pause ou se confier. Chaque matin, des bénévoles sont présents, l’oreille attentive.
Aimable comme une porte de prison. Cette expression prend un sens aigu pour les familles et amis qui se rendent au parloir visiter leurs proches. Avant de pénétrer dans l’antre d’une unité carcérale, on fait face à une porte. Une haute porte blindée qui écrase le justiciable de sa position altière. À Belfort, la porte est rouge. Elle est froide. Avant qu’elle ne se meuve sur ses gonds, on patiente. Cette attente peut être longue. Près d’une demi-heure avant que le parloir ne soit accessible et que l’on retrouve la personne incarcérée.
À quelques pas, La Halte ouvre ses portes à ceux qui le souhaitent. L’association créée en 1997 propose une boisson chaude et une oreille attentive. Bienveillante. Une vingtaine de bénévoles accueille du lundi au vendredi, tous les matins. Dans les locaux mis à disposition par la maison d’arrêt, on trouve une petite cuisine, un bureau et un espace de jeux pour les enfants. C’est un coin où se poser. Où l’on peut lire. Échanger. « Nous sommes un sas de décompression, indique Delphine Macchi, coadministratrice et référente de l’association. Les personnes arrivent ensuite moins stressées au parloir. »
Double peine
Il est bien connu, aujourd’hui, « que le parloir est anxiogène », relève Delphine Macchi. La violence symbolique y est forte. C’est un lieu où les tensions se cristallisent. C’est un endroit à part, où se rencontre l’intérieur et l’extérieur. C’est le lieu où les liens se nouent, se maintiennent ou se distendent. C’est l’unique moment où la personne à l’intérieur est en contact direct avec ses proches et avec l’extérieur. Mais ce moment renvoie aussi à la condamnation. À l’absence. La distorsion est forte et peut-être pleine d’incompréhension. « Les familles nous disent toujours qu’elles vivent une double peine », analyse Paulette Vauchy, co-référente de l’association. « Les prisonniers sont concentrés sur leur vie cloîtrée, complète-t-elle. Ils sollicitent éventuellement l’extérieur pour avoir les moyens de cantiner et d’améliorer le quotidien. À l’extérieur, les femmes doivent faire tout le reste : éducation des enfants, gestion du budget, envoi d’argent au détenu. » Le poids est lourd.
Au-delà de ce poids, le parloir est aussi une charge. Il n’est pas forcément simple à organiser. Chaque personne à l’intérieur peut bénéficier de trois visites hebdomadaires. Il faut la programmer la veille et appeler à 13 h 30 la prison. Si on oublie, la visite est impossible. Et il n’y a aucun moyen de prévenir la personne à l’intérieur ; des règles qui génèrent attente, espoir voire déception et qui rendent ce moment du parloir si particulier. Pour certaines familles, on peut venir de très loin pour une visite. Le voyage peut représenter un coût, voire nécessiter de prendre un jour de congé. Les enfants, de leurs côtés, ne peuvent venir que le mercredi. Ça peut compliquer la donne.
Colis de Noël
À La Halte, les bénévoles n’ont pas de contact avec les détenus. Excepté lorsque l’association organise une animation, comme le loto avant Noël ou à l’occasion d’ateliers autour de la parentalité par exemple. L’association appartient au mouvement de l’Uframa, l’union nationale des fédérations régionales des associations de maisons d’accueil des familles et proches de personnes incarcérées. À l’occasion de Noël, La Halte prépare des colis, fournis par l’Entraide protestante, la Croix rouge et le Secours populaire. Ils sont distribués en cellule par les bénévoles de La Halte, le 20 décembre, après le loto. Ils contiennent de la confiture, du Nutella, du café, des biscuits, des papillotes Révillon, des timbres, un stylo et du papier à lettre.
Maintenir les liens familiaux
À La Halte, autour d’un café, d’une boisson chaude, on discute. Ou pas. C’est à la discrétion des familles. « On ne parle pas des détenus », confient Delphine Macchi et Paulette Vauchy. Ce n’est pas le lieu d’un nouveau jugement. « On essaie d’humaniser le parloir », résument les deux femmes. « Nous essayons de faire que les rapports familiaux continuent malgré la détention », ajoute Paulette Vauchy. Cette soixante-huitarde, ancienne militante syndicale, attachée au collectif, est active depuis quelques années. C’est une amie qui l’a conduite à La Halte.
« Il est essentiel pour un détenu d’avoir une famille qui l’accompagne, notamment quand il sort », ajoute Delphine Macchi. « Dans le milieu judicaire, la famille n’existe pas. Il faut donc la cajoler et y faire attention », poursuit celle qui ne supporte pas que les gens soient mis au ban de la société. « Je ne supporte pas manquer de liberté, confie-t-elle. Et une personne qui en manque, cela me touche. Quand quelqu’un est exclu, je vais vers lui. » Préserver les liens familiaux, c’est aussi donner des chances de réussite à la sortie. « Quand les détenus sont ici, ils ne sont plus maîtres de ce qu’ils font, remarque Paulette Vauchy. On leur ouvre toujours la porte. Quand ils sortent, ils doivent réapprendre. » Alors l’association se mobilise pour faciliter ce lien.
Fin novembre, La Halte a participé, avec d’autres associations, à la 26e édition des Journées nationales prison, pour sensibiliser sur les sujets de la détention. « Ces journées sont importantes pour sensibiliser le public, insiste Delphine Macchi. C’est important de dire : « Moi, je ne stigmatise pas. Il faut aussi soutenir les familles ». » La Halte œuvre à cette mission.
La Halte, place d’Armes, à Belfort, près de la maison d’arrêt. Le local est ouvert tous les jours de la semaine de 8 h 30 à 11 h 15, toute l’année, sauf les jours fériés. Contact : 07 81 10 30 70 (aux horaires d’ouverture de La Halte). L’association cherche de nouveaux bénévoles afin d’assurer les permanences. « Ils seront royalement accueillis », sourit Delphine Macchi.