C’est par le biais de Cinémas d’Aujourd’hui que remonte ce pan étonnant de l’histoire de Belfort. Dans un communiqué, l’association annonce que, le 12 janvier prochain, le réalisateur Franck Cuveillier diffusera à l’espace Louis-Jouvet son documentaire de 52 minutes intitulé« Un baiser, un tract et tout craque » sur « l’affaire Mercier », lors d’une séance gratuite, suivie d’une rencontre avec le réalisateur.
Diffusé sur France Télévisions en avant-première, le documentaire, filmé à Belfort avec une classe du lycée Courbet et d’anciens témoins, revient sur cette affaire vieille de cinquante ans, qui résonne peut-être encore pour certains Belfortains. Et peut-être au-delà de Belfort, car elle a eu un écho national.
L’affaire Mercier doit son nom à celui de la professeure de philosophie Nicole Mercier, exerçant au “lycée de jeunes filles” (comme on l’appelait à l’époque) à Belfort.
En 1972, Jean Carpentier, médecin exerçant à Corbeil, souhaite aider les jeunes après que deux adolescents ont subi des remontrances pour s’être embrassés au lycée. Il publie un tract intitulé « Apprenons à faire l’amour ». Le tract parle de sexualité sous toutes ses coutures : le sexe masculin, féminin, le coït, la masturbation, la place du plaisir. Pour cela, il sera interdit d’exercice par le conseil de l’ordre, puis condamné par la justice pour « outrage aux bonnes mœurs ».
Alors que le tract se diffuse partout en France, Nicole Mercier le fait lire en cours, à la demande de ses élèves, et leur permet de le commenter lors d’une séance.
Évenement fondateur
Dans le documentaire, des images d’archives de l’institut national de l’audiovisuel (INA) et des témoignages rendent compte de la déflagration qu’a causée cette lecture. Un parent d’élève, lieutenant-colonel dans l’armée, porte plainte. Nicole Mercier est inculpée pour outrage aux bonnes mœurs. Dans Belfort, les réactions pleuvent. Véhémentes, d’abord. Les courriers pullulent, tout comme les menaces et les injures, raconte le mari de Nicole Mercier dans le reportage. Positives, aussi. Des lettres de soutien affluent de Chine, d’Amérique du Nord et du Sud. Au total, trois lycées ferment à Belfort, 6 000 élèves sont dans les rues. Des sit-in sont organisés devant le tribunal. Jean-Marie Baertschi, curé belfortain, soutient la professeure et fait lire le tract dans le “lycée de garçons” (aujourd’hui le lycée Condorcet).
Quelques jours plus tard, l’affaire débouche sur un non-lieu. Cette même année, avec cet événement fondateur, le gouvernement prend la décision d’intégrer des cours d’éducation sexuelle dans les écoles. Les Unes des journaux sur le sujet, se multiplient : « L’éducation sexuelle à l’école, reconnue par le tribunal de Belfort » ; « La leçon de Belfort a servi : les professeurs de sciences naturelles assureront l’information sexuelle. » C’est aussi cette polémique qui a précipité l’avènement de deux figures de la gauche belfortaine : Raymond Forni et Jean-Pierre Chevènement. Avocat, le premier nommé défend même l’enseignante.
Pour en savoir plus, et en discuter avec le réalisateur :