« Top ! Vas-y. » Le nageur s’élance sous les instructions du photographe venu lui tirer le portrait à la piscine du Parc, à Belfort, ce vendredi 25 août. Gueule d’ange, tatouage sur les côtes, petit médaillon en argent portant son prénom, le jeune homme paraît sûr de lui alors qu’il effectue un énième plongeon pour avoir le meilleur plan photographié.
Une fois qu’il est sorti de l’eau, un large sourire se dessine sur son visage. Il se prête avec plaisir aux photographies, aux discussions, aux enlaçades des bénévoles venus le féliciter. Jules André, 19 ans, s’est hissé cette année, à Dublin (Irlande), aux portes du top 20 des meilleurs nageurs du continent, à l’occasion des Championnats d’Europe des moins de 23 ans. Connu comme un excellent dossiste – un spécialiste du dos crawlé – il est un enfant du pays. L’eau a été le premier élément dans lequel il a été à l’aise. Avant même de savoir marcher, le jeune homme barbotait dans les bassins belfortains pour les bébés nageurs. Une carrière se lance sans le savoir. Dès 9 ans, il se lance dans les compétitions.
Quand il raconte son parcours, il déroule un CV où rien n’a semblé perturber son élan. « Les premières compétitions, les titres, les entraînements », énumère-t-il, la voix posée. Jusqu’à l’année de ses 16 ans, il s’entraîne avec le club Belfort natation. « Certains me disaient que je devrais viser plus haut, mais je continuais à remporter des prix, ça ne me dérangeait pas de rester. » Et puis, le covid débarque. Trois mois complets d’arrêt de la nage. Qui se transforment en volonté d’aller plus haut, plus loin.
C’est ainsi qu’il se retrouve à contacter sur Instagram le prestigieux cercle des nageurs de Marseille, d’où viennent Florent Manaudou ou encore Mehdy Mettela, pour intégrer le pôle espoirs, réservé aux jeunes nageurs. Tout coule de source. Quelques jours après, c’est le départ pour Marseille. Le début d’une nouvelle vie, loin de sa famille, de ses amis du lycée Condorcet. Le début de la vie en communauté, dont il parle avec beaucoup d’amusement. « On s’est tous aidé au début, on s’occupait, on se faisait à manger ensemble. » Leur internat se trouve dans les locaux de la piscine. De quoi rendre la tâche plus facile pour les entraînements deux fois par jours. De 7 à 9h et de 17 à 19h. « J’avais l’impression de réapprendre à nager après ce long arrêt post-covid. C’était comme un retour au bébé nageur », blague-t-il. La fatigue ? « On s’y fait vite, une fois qu’on est dans une dynamique de groupe », raconte le jeune dossiste. Entraîné par Ronan Poirier, puis par Franck Esposito, il progresse peu à peu aux côtés des plus grands.
Première sélection en équipe de France
Son père, Grégoire, se considère comme un « fan ». « Dès le début, il s’est retrouvé avec des bêtes de la natation : Lacourt, Manaudou… Je lui ai demandé de prendre des photos avec eux, pour qu’il m’en envoie. Il m’a répondu qu’il ferait une photo avec le jour où c’est eux qui voudront en faire une avec lui. » Un seul défaut, selon son père : « Son stress, qui le dessert ». Jules rigole, jouant avec la serviette qu’il porte sur les épaules. « Je peux vite me tendre, on va dire ça comme ça. »
Cette année, il a réalisé quelques exploits. Après sa 6e place aux championnats de France de Rennes, il est sélectionné pour la première fois en équipe de France des moins de 23 ans cet été. À Dublin, il s’aligne sur trois courses : 50m, 100m dos et 200m. Ce jour-là, il s’est classé aux portes du top 20 européen. Il le raconte les yeux dans le vague, le sourire aux lèvres. « À Rennes, je crois que j’ai passé un cap. Mentalement, je n’ai jamais été aussi bien.» Son père opine de la tête.
L’étape suivante ? Se qualifier en équipe de France et devenir la tête qu’il ne faudra pas oublier pour les Jeux olympiques 2028. « 2024, c’est trop tôt. Il y a de très bons nageurs avant moi, plus âgés aussi », narre-t-il. Son père a des étoiles plein les yeux. « Il est dans les cinq meilleurs français », assure-t-il un peu plus tôt, alors qu’il observe son fils tourner un clip qui servira à sa promotion, proposé et réalisé par Dimitri Seminic.
Pour l’épauler, son père fait de son mieux. Il l’accompagne ce vendredi 25 août pour le tournage, accueille les journalistes, prends des photos, des vidéos. Il a aussi fondé l’association Jules André 2004 lorsque le nageur est parti pour Marseille. Avec l’ambition de pouvoir promouvoir l’image de son fils et de trouver des mécènes et sponsors pour l’accompagner financièrement. « Ce qu’on ne veut surtout pas, c’est de devoir lui dire : « Kiki, là tu ne pourras pas faire telle chose car on ne peut pas assumer financièrement. »» Pour le moment, les soutiens restent discrets.
Jules n’a qu’une ambition : progresser, progresser et continuer. Coûte que coûte. Malgré des années plus difficiles que d’autres. Il évoque 2022, par exemple, où il a moins progressé. Malgré, aussi, la difficulté à maintenir des études en parallèle. « J’ai décidé de laisser de côté l’idée d’être ingénieur pour le moment. Je me réoriente vers une licence de web-designer à distance.» Son père hausse les épaules, un petit peu inquiet. « Oui, des parents le sont toujours. Mais je suivrais toujours mon fils. S’il y croît, j’y crois. » Cette année, avec la qualification à Dublin, il n’aura eu que quatre jours de répit. Mais peu importe. L’année 2024, plutôt calme en termes de compétition à cause des Jeux olympiques de Paris, doit lui permettre de poursuivre ses efforts et d’affiner sa technicité. Il le sait, il va falloir tenir la longueur.