« C’est le coup d’envoi officiel du projet ! » L’enthousiasme résonne dans la voix de Christophe Grudler, député européen Renew/Modem, rapporteur et négociateur pour le Parlement européen du nouveau programme de satellites européens IRIS2. ; le nom IRIS fait référence à la déesse grecque du même nom, chargée de délivrer des messages aux dieux. Mardi, le Parlement européen a approuvé, avec 603 voix pour et 6 voix contre, ce projet qui consiste à déployer d’ici 2027 une constellation de satellites européens. Il a été sollicité par Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, il y a un an, pour travailler le projet ; le député européen avait publié dans Ouest France une tribune, en juillet 2020, appelant à la création de ce type de constellation. Le 15 février 2022, la Commission européenne a publié un texte d’initiative lançant un système de connectivité par satellite.
En neuf mois, les différentes instances européennes (Commission européenne, Parlement européen, Conseil de l’Europe) ont négocié un accord pour ce projet. Accord qui a été soumis au vote du Parlement européen ce mardi. Ce projet est « une réponse européenne aux mégaconstellations », convient Christophe Grudler. En filigrane, une réponse au projet Starlink d’Elon Musk.
Cette constellation de satellites, dont les premiers lancements sont envisagés en 2024 et le déploiement complet en 2027, vise à fournir une télécommunication sécurisée aux gouvernements, aux secours lors de catastrophes, aux ambassades ou encore aux forces armées. La constellation fera appel à des techniques quantiques et de cryptographie post-quantique détaille Christophe Grudler. « Ils seront capables d’envoyer les clés de déchiffrage en même temps que le signal », explique-t-il. Et avec une clé de déchiffrage qui ne sera plus valable quelques secondes après la réception. « C’est un système de sécurité optimal, qui n’existe pas encore », se réjouit le député européen, soulignant le contexte où se multiplient les cyberattaques. « Cette constellation de satellites européens est stratégique », appuie Christophe Grudler. Le second objectif vise à fournir un système de télécommunication à tous les Européens, y compris dans les zones les plus reculées.
Normes environnementales
Le projet doit s’élever à 6,5 milliards d’euros. L’Union européenne a déjà mobilisé 2,4 milliards d’euros. L’Agence spatiale européenne va lever près de 650 millions d’euros auprès des États membres. Le reste sera apporté par les industriels. L’appel d’offres de ce partenariat public-privé sera publié au mois de mars. Les opérateurs seront connus au mois de novembre. Seuls des industriels européens pourront répondre au projet. « C’est une constellation souveraine, insiste le député européen. On ne veut pas dépendre d’autres continents. »
Entre 2 et 300 satellites devront être lancés. La plupart des équipements seront installés en orbite basse (low earth orbit) à environ 600 kilomètre de la terre. Mais ils s’appuieront aussi sur des satellites en moyenne orbite et en orbite géostationnaire déjà existant, permettant de réduire le nombre de satellites en basse orbite.
Des normes environnementales « très strictes » ont été définies, assure le député européen. Les industriels devront notamment empêcher « la pollution lumineuse ». Une compensation carbone est à prévoir, tant vis-à-vis de la production du satellite que de son lancement. Et dès le départ, une gestion des débris est prévue et un budget est alloué.
IRIS2 est le 3e programme de satellites de l’Union européenne, après Galileo (27 satellites), système de guidage et de géolocalisation européen, et Copernicus (un dizaine de satellites), un système d’observation de la terre. Mais ce programme passe à une autre échelle. L’Europe consacre 15 milliards d’euros à l’espace dans son programme budgétaire 2021-2027.