Olivia Frisetti
La devanture est chargée et chaleureuse. À l’intérieur de la boutique, l’odeur du jardin de mamie chatouille les narines. Au fond de cette échoppe nommée Trésors fleuris, installée avenue Jean-Jaurès, à Belfort, la voix mélodieuse de Sandrine Bathmann résonne, au milieu des anémones, des tulipes ou encore des orchidées. “Quand une femme dit qu’elle ne veut rien pour la Saint-Valentin, c’est qu’elle attend une rose !”
Dans sa boutique, il y en a pour tous les goûts. Mais comme elle le glisse avec malice, la star du jour reste la rose rouge. Le téléphone sonne et résonne. Sans interruption. Les commandes affluent, mais Sandrine n’y trouve pas toujours son compte. “À la Saint-Valentin, les producteurs augmentent le prix des roses”, déplore cette pétillante quinquagénaire. “Et moi je ne peux pas me permettre de vendre une rose à 10 euros sinon personne ne l’achète”, confie-t-elle. Surtout que Sandrine Bathmann fait un choix fort. Elle achète ses fleurs auprès d’un producteur alsacien, alors que 80 % des végétaux vendus en France sont importés, selon une donnée de l’union française des fleuristes (UNF). Ce producteur lui vend la rose à 2,75 euros. Cela ne lui laisse pas le choix. Elle doit au moins la revendre à 6,50 euros.
“Je dois faire un minimum de bénéfices et je fais des compositions pour joindre les deux bouts”, détaille-t-elle. Elle le reconnaît. Elle n’a pas une offre 100 % française. Impossible. Le reste de ses fleurs vient des Pays-Bas. “Je fais hyper attention, j’essaie d’avoir de l’engrais et des fleurs labellisés bio”, affirme-t-elle. Tandis qu’un habitué, Pierre, déclame : “Je fais confiance à ma fleuriste”. Une vraie déclaration d’amour. De circonstance. Selon elle, les clients ne posent pas encore de questions sur la provenance des fleurs ou sur la manière dont elles ont été produites. Seul compte le plaisir d’offrir. Chez Trésors Fleuris, les vendeuses acquiescent d’un air entendu : “À la Saint-Valentin, ce sont les hommes qui viennent acheter des fleurs. Alors, vous savez… l’écologie !” Fou rire.
“Je sais que les fleurs viennent d’Hollande”
Avenue Foch, non loin du Monoprix, le fleuriste de la boutique Fleurs Blanc expose ses fleurs et ses décorations spéciales Saint-Valentin. Entre deux compositions florales, la vendeuse, d’un ton énergique, rétorque : “ Si on veut un minimum vendre, on ne peut pas faire venir des roses de France.” Puis d’ajouter : “Il n’y en a pas et les messieurs ne veulent que des roses, alors on est obligé de s’y plier.” Pour les autres fleurs, la boutique se fournit dans le sud de la France ou à l’étranger. “Les gestes écolos ? On essaie comme on peut. On utilise des emballages recyclés, car il n’y a pas de conséquence sur la présentation esthétique du produit.”
La vérité de la boutique ne semble pourtant pas celle de l’école. Comme en témoigne Marjorie, jeune élève au centre de formation des apprentis (CFA), installé au lycée Lucien-Quélet de Valdoie. Elle est actuellement en stage à la boutique Cœur de Fleur, avenue Jean-Jaurès. “À l’école, on nous apprend à moins gaspiller, explique-t-elle depuis le comptoir, que ce soient les emballages pour les fleurs ou en choisissant mieux les producteurs.” Par exemple, en optant, si possible, pour des producteurs locaux, un choix impliquant aussi souvent un surcoût. “En boutique, on ne fait pas beaucoup attention à l’écologie et les fleurs viennent d’Afrique, convient Marjorie, avant de souffler: Mais il faut faire tourner la boutique.”
Christian, 70 ans, vient d’acheter un volumineux bouquet de roses rouges dans une boutique. “Je sais que les fleurs viennent de Hollande, consent-il, mais elles sont belles, elles sentent bons et ma femme est toujours heureuse.” Le constat est lucide. Honnête. La rose rouge n’a pas encore viré au vert.