C’est une nouvelle application hydrogène qui se profile avec cette nouvelle expérimentation. Le projet HyData associe de jeunes entreprises locales tournées vers l’hydrogène au monde de la recherche pour réfléchir à l’avenir de l’alimentation de secours des datacenters, en le testant sur un datacenter belfortain, Extendo.
C’est une nouvelle application hydrogène qui se profile avec cette nouvelle expérimentation. Le projet HyData associe de jeunes entreprises locales tournées vers l’hydrogène au monde de la recherche pour réfléchir à l’avenir de l’alimentation de secours des datacenters, en le testant sur un datacenter belfortain, Extendo.
Au centre de cette pièce du Pôle hydrogène du Techn’Hom, à Belfort, trône une baie de 42 unités. C’est une sorte d’armoire qui accueille des serveurs. Elle ronronne. On coupe l’alimentation générale de l’équipement. Sur l’écran de contrôle attenant, on voit qu’aucun courant électrique n’arrive à la baie depuis la prise. Pourtant, les serveurs continuent de tourner et la courbe de fonctionnement de la machine est toujours active. Un générateur de remplacement a pris le relais. Mais autour, ni bruit, ni fumées émettant du CO2. Dans un silence assourdissant, c’est un générateur fonctionnant à l’hydrogène qui assure la suite. Instantanément.
Cette démonstration à succès, c’est le projet HyData, qui vise à alimenter, de façon autonome et pendant 48 heures, un datacenter. Il est mené par la PME intégratrice de pile à hydrogène H2SYS, le fabricant de réservoirs de stockage d’hydrogène Mahytec et l’opérateur telecom belfortain Trinaps, qui a lancé en 2019 un datacenter, Extendo ; le datecenter est installé sur un site de 100 m2 au Techn’Hom, avec possibilité de l’étendre à 1000 m2. Le consortium était épaulé par le laboratoire Femto-ST, une unité mixte de recherche associant notamment l’université de Franche-Comté et l’université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM).
Le projet, qui s’élève à 1,5 million d’euros, est financé par la Région Bourgogne-Franche-Comté et BPI France, et est soutenu par le pôle Véhicule du Futur. L’idée est « de remplacer les générateurs diesel, qui puent, qui polluent et qui font du bruit », résume Robin Roche, maître de conférence à l’UTBM et membre du laboratoire Femto-ST ; il coordonne ce projet. « Les générateurs diesel demandent aussi beaucoup de maintenance, comme le changement des filtres, poursuit Julie Figard, d’H2SYS. Il y en a moins sur l’hydrogène, car il y a des contrôles en cour de fonctionnement. On prévient les risques. »
Visées industrielles
« La différence de ce générateur, poursuit Robin Roche, c’est qu’il démarre de suite et qu’il pourrait permettre de se passer d’alimentation sans interruption, intégrant des batteries en plus du générateur diesel. » « Nos essais montrent qu’il n’y a pas de coupure », complète Julie Figard
Cette étape a permis de valider la faisabilité technique. Prochaine étape, l’installation du démonstrateur juste à côté d’un vrai datacenter, avant l’été. Il sera installé à l’extérieur des locaux qui accueillent le datacenter Extendo, de Trinaps, qui compte aujourd’hui 16 baies. « Le démonstrateur sera installé dans un conteneur, à l’extérieur. Ce n’est donc pas au détriment du stockage dans le datacenter », apprécie Fabien Hazebroucq, fondateur de Trinaps et directeur des fonctions support. Cette étape permet aussi d’intégrer le système à un équipement déjà opérationnel. « Comment je fais des tests sur des systèmes sans mettre en danger l’actuel, questionne Fabien Hazebroucq pour résumer l’un des enjeux avant une éventuelle industrialisation. Il faut être capable de faire de l’intégration dans de l’existant. »
La réflexion d’intégrer l’hydrogène au datecenter n’est pas nouvelle. Mais c’était théorique. Avec HyData, on fait la preuve par l’exemple pour ensuite « étudier les possibilités technico-commerciales », relève Fabien Hazebroucq. Et industrialiser. En France, on compte aujourd’hui 215 datacenters « neutres », c’est-à-dire que ce ne sont pas des datacenters liés exclusivement à une entreprise. Extendo est le seul entre Strasbourg et Besançon. Ce sont des clients potentiels qui pourraient décarbonner leur production, renouveler leur matériel ou renforcer leur sécurité avec un autre équipement de secours.
Acheter l’hydrogène à la station de Danjoutin
Cette phase numéro 2, qui éprouvera le système dans son ensemble, intégrera les réservoirs de Mahytec, une société jurassienne fondée en 2008 connue pour commercialiser des réservoirs hydrogène.
Le générateur sera installé dans trois conteneurs. Un contiendra le système, dont la pile à hydrogène. Un autre disposera de réservoirs hydrogène basse pression, à 60 bars, et dans lesquels on peut stocker 16 kilos d’hydrogène. Le dernier conteneur accueillera des réservoirs haute pression, à 500 bars. Ce dernier module est transportable. On pourra ainsi faire des allers-retours à la station hydrogène de Danjoutin et ravitailler le générateur. De fait, si le projet évoque un générateur avec une autonomie de 48 heures, HyData a finalement « une autonomie infinie », dixit Robin Roche, si on est capable de recharger en hydrogène l’ensemble du système. Pendant le ravitaillement, les réservoirs basse pression assurent la continuité.
L’avantage de ce système de transport, « c’est que [l’acheteur du générateur] n’a pas à se préoccuper de la production d’hydrogègne », observe Mathilde Bangoura, responsable des ventes chez Mahytec. Ni de l’entretien des électrolyseurs et autres systèmes, qui seront traités par la station observe la commerciale.
On aperçoit ici l’intérêt de mutualiser un centre de production et de distribution d’hydrogène. « Quand on mutualise les sources de production d’hydrogène, tout le monde est gagnant », observe-t-elle. Avec ce projet, on présente une nouvelle application possible de l’hydrogène-énergie, en parallèle de la mobilité ou de l’alimentation d’un immeuble. Et on valide une nouvelle fois la force de l’éco-système belfortain associant recherche, entreprises et collectivités locales.