Loéva Claverie
Le suspense tire à sa fin. Alain Charrier, préfet du Territoire de Belfort, a autorisé, ce vendredi 11 juillet, l’entreprise Trabet à démarrer son activité de fabrication d’enrobé pour la réfection de l’A36, apprend-on auprès du maire de Bourogne Baptiste Guardia, qui a reçu l’arrêté par mail. Une information que confirme Trabet. « L’instruction du dossier a établi que l’ensemble des exigences réglementaires – environnementales, sanitaires, techniques et sécuritaires – est intégralement satisfait », commente Trabet, ce vendredi après-midi.
Prévu en deux sessions de travaux en 2025 et 2026, le chantier va concerner 20 km d’autoroute, sur toutes les voies et dans les deux sens, entre Bessoncourt et Voujeaucourt.
Mardi 8 juillet, le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) mobilisé par le préfet pour lui permettre de prendre sa décision, a rendu un avis favorable au projet, avec 11 voix pour, 6 contre et 3 abstentions.
Ce jeudi 10 juillet au soir, le préfet a reçu les maires des quatre communes limitrophes à la zone industrielle de Bourogne (Morvillars, Bourogne, Méziré, Allenjoie) pour leur annoncer qu’il s’appuierait sur l’avis du Coderst et trancherait en faveur de Trabet.
Opposition des élus et chefs d’entreprise
Depuis le début de la semaine, les opposants avaient senti le vent tourner. Après l’avis favorable du Coderst, un arrêté préfectoral a été pris, mercredi 9 juillet, pour réglementer la circulation sur l’autoroute A36 pendant les travaux d’APRR, du 15 juillet au 12 septembre 2025. Des engins de chantier de Trabet étaient aussi visibles le long de l’autoroute, ces derniers jours.
L’association de citoyens et d’élus avaient obtenu le soutien de Ian Boucard, député Les Républicains (LR) de la 1re circonscription du Territoire de Belfort, et de celui de Cédric Perrin, sénateur LR du Territoire de Belfort. Lors de la première manifestation organisée contre Trabet (lire ici), Jean-Philippe Nicolle, directeur de Rapala VMC France – l’usine voisine à Trabet sur la zone de Bourogne – avait publiquement manifesté aux côtés des élus et des citoyens. Le président et directeur général de l’entreprise, Cyrille Viellard, s’était également prononcé contre l’implantation de Trabet depuis le siège mondial en Finlande. La pétition lancée par l’association compte plus d’un millier de signatures.
Ecovigie 2 considère que le vote du Coderst « est un coup porté à la confiance que les citoyens peuvent encore accorder aux procédures de concertation ». L’association dénonce également des « résultats biaisés ».« Quand les huit voix des services de l’État font basculer un vote, alors que l’on prétend vouloir entendre la société civile, il ne s’agit plus d’un avis, mais d’un verrouillage », écrivent-ils.
Une longue procédure de validation
L’implantation de l’usine alsacienne, sur la zone industrielle de Bourogne depuis la fin du mois de mai, a suscité une vive polémique. Les citoyens des communes avoisinantes à la zone se sont opposés dès le départ à la présence de la centrale mobile. Ils relevaient notamment que le site accueillait déjà un condensé d’usines à risques et s’inquiétaient de l’effet cocktail des pollutions si l’usine d’enrobé venait à être mise en marche (lire notre article).
Prévue depuis toujours à la fin de la procédure, la décision du préfet s’est cependant faite attendre. Le calendrier initial de Trabet pour les travaux de réfection, pour le compte d’APRR, prévoyait un début des travaux à la mi-juin. Mais l’usine, classée ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement), a dû se soumettre aux procédures obligatoires existantes pour ce type d’entreprises et n’a eu d’autres choix que d’en accepter les délais. Lors de la visite à la presse, vendredi 7 juin, les responsables de Trabet espéraient un démarrage des travaux le 30 juin. Tout en étant lucides sur le fait que ce ne serait pas avant juillet.
À l’issue de la consultation publique, ouverte jusqu’au 16 juin, durant laquelle les citoyens ont pu formuler leurs questions et se prononcer sur le projet, un commissaire-enquêteur a rendu un avis consultatif. La Dreal a statué ensuite sur le dossier. Avec les avis et le dossier en main, le préfet devait rendre sa décision mais a décidé de mobiliser en supplément le Coderst.
"Mobilisés et déterminés"
Ecovigie 2 reste « mobilisé et déterminé », garantit l’association dans son communiqué écrit ce jeudi, en commentaire de la réunion du Coderst. « Le projet reste inacceptable, tant pour les habitants que pour les entreprises déjà implantées dans la zone. Il soulève de graves questions en matière de santé publique, de transparence, de retombées locales nulles, et de pression injustifiée sur les infrastructures communales », écrit-elle. Avant d’ajouter : « Nous continuerons de porter la voix de celles et ceux qui défendent un développement respectueux du cadre de vie, des habitants et des règles démocratiques. Nous appelons plus que jamais à la vigilance, au dialogue et à la responsabilité. »
Elle invite l’ensemble de ses adhérents à une réunion de mise au point, à la mairie de Morvillars, mercredi 16 juillet à 20h.